Un rejet du budget 2025 pourrait plonger la France dans une période d’incertitude politique et économique inédite. Entre lois spéciales, instabilité des marchés financiers, risque de paralysie budgétaire, voire la démission d’Emmanuel Macron, voici les scénarios envisagés.
Le budget 2025 et Michel Barnier sont sur un fil, que se passe-t-il en cas de censure ?
Une motion de censure : le gouvernement est plus que sur la sellette
La menace est claire : si le budget 2025 n'est pas adopté, Michel Barnier et son équipe pourraient être renversés par une motion de censure. Cette procédure parlementaire, déclenchée après un éventuel recours au 49.3, nécessite 289 votes pour faire tomber l'exécutif. Avec l'alliance potentielle de la gauche et du Rassemblement National, le seuil est facilement atteignable. Une telle chute marquerait une première sous la Vᵉ République : un gouvernement rejeté en raison de son budget. Dans ce contexte, Emmanuel Macron aurait à priori plusieurs options : reconduire Michel Barnier, désigner un nouveau Premier ministre ou opter pour un gouvernement « technique » chargé de gérer les affaires courantes. Si La France Insoumise pousse depuis des mois pour un départ du Président lui-même, l'idée commence à monter à la tête d'autres personnalités politiques comme Jean-François Copé (LR) ou Charles de Courson (LIOT). Mais dans tous les cas, le projet de loi de finances 2025, lui, serait suspendu, entraînant des décisions exceptionnelles.
Sans budget adopté, la priorité serait d'assurer le fonctionnement minimal de l'État. Une loi de finances spéciale, prévue par l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), permettrait de prolonger l'ancien budget. Les impôts seraient perçus, les fonctionnaires payés, et les services publics assurés.
Cependant, cette mesure comporte des limites. Aucun nouvel impôt ne peut être créé et les réformes envisagées pour 2025, comme la taxation des plus aisés ou l'augmentation des taxes sur l'électricité, seraient abandonnées. Ce retour à la case départ, au budget 2024, soulagerait certaines catégories, mais freinerait les ambitions gouvernementales.
Quels sont les risques financiers si le budget 2025 ne passe pas ?
Un rejet du budget ne serait pas seulement une crise politique. Les marchés financiers, attentifs à la stabilité de la France, pourraient réagir négativement. Une hausse des taux d'intérêt, déjà en très nette progression par rapport à l'Allemagne, fragiliserait davantage la capacité de financement de l'État.
« La situation ne mènerait pas à une faillite, mais pourrait faire grimper les taux d'intérêt », explique Sylvain Bersinger, économiste chez Asteres. Une instabilité durable pourrait éroder la confiance des investisseurs, bien que la France conserve, pour l'instant, une solide réputation sur les marchés.
Face au risque de blocage, certains évoquent le spectre d'un « shutdown » à la française, comme celui observé aux États-Unis. Pourtant, les experts s'accordent à dire qu'un tel scénario reste improbable. L'article 47 de la Constitution, qui permet l'adoption du budget par ordonnance après 70 jours de blocage, est jugé inapplicable dans ce cas.
La France a des garde-fous, mais ils ne suffisent pas à apaiser toutes les inquiétudes. « Un État qui ne peut plus dépenser un euro ne peut pas répondre aux urgences », souligne Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public. À court terme, le spectre d'un budget reconduit tranche avec les ambitions gouvernementales et pourrait exacerber les tensions sociales et politiques.