François Bayrou a une nouvelle fois eu recours à l’article 49.3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale 2025. Si son gouvernement échappe de justesse à la censure, les finances publiques, elles, continuent de se dégrader. Entre compromis précipités et manque de cohérence, ce PLFSS illustre l’impasse budgétaire dans laquelle navigue l’exécutif.
Budget de la sécurité sociale 2025 : François Bayrou évite (encore) la censure

Mercredi 12 février 2025, le gouvernement de François Bayrou a dû recourir au 49.3 pour faire passer son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Si la motion de censure déposée par l’opposition n’a pas abouti, le texte adopté porte les stigmates de tractations de dernière minute et d’un déficit qui s’envole à 22 milliards d’euros. Derrière cette victoire en trompe-l'œil se cache une réalité plus inquiétante : un système de protection sociale en perte d’équilibre et un gouvernement de plus en plus fragilisé.
Un énième 49.3 et une censure du budget évitée de justesse
En engageant pour la troisième fois la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) par le biais de l’article 49.3, François Bayrou a contraint l’opposition à un dernier baroud d’honneur sous la forme d’une motion de censure. Sans surprise, celle-ci a échoué, ne rassemblant que 121 voix sur les 289 requises pour faire chuter le gouvernement.
Le Premier ministre a ainsi sécurisé l’adoption de son budget, mais à quel prix ? Car si l’exécutif peut se féliciter d’avoir évité une crise parlementaire, il n’a pas empêché la montée des tensions politiques, ni dissipé les critiques sur un texte budgétaire qui navigue entre concessions précipitées et incohérences économiques.
L’opposition est sortie de cet affrontement plus divisée que jamais. À gauche, La France insoumise et une partie des écologistes ont tenté de fédérer une opposition frontale, dénonçant une politique de "déconstruction du modèle social". Mais le Parti socialiste, fidèle à sa posture de « responsabilité budgétaire », s’est abstenu, refusant de voter la censure. Du côté du Rassemblement national, l’attentisme a prévalu : pas de soutien à la motion, mais une rhétorique martelant l’inéluctabilité d’un effondrement du gouvernement Bayrou.
Un budget conçu dans l’urgence et à contresens
Le texte final du PLFSS 2025 n’est rien d’autre qu’un condensé d’arbitrages dictés par la nécessité politique plus que par une véritable vision structurelle de la Sécurité sociale. À l’origine, le projet de loi prévoyait un déficit contenu à 16 milliards d’euros, mais au fil des compromis arrachés sous pression, il a explosé à 22 milliards d’euros.
L’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a certes été relevé à 263,9 milliards d’euros, mais cette hausse de 3,4 % reste en deçà des besoins réels. Le gouvernement a voulu afficher un geste en faveur de l’hôpital public en allouant un milliard d’euros supplémentaire, mais cette mesure ne fait qu’atténuer les effets des coupes budgétaires précédentes, sans résoudre la crise structurelle du secteur.
Certaines décisions témoignent du manque de cohérence de l’exécutif. L’augmentation du ticket modérateur, qui devait alourdir le reste à charge des patients, a été abandonnée in extremis pour éviter un tollé populaire. De même, la désindexation des retraites sur l’inflation, initialement prévue, a été supprimée après des pressions internes. Ces revirements traduisent une incapacité à assumer des choix clairs, le gouvernement oscillant entre rigueur budgétaire et reculades électoralistes.
Un déficit abyssal et des perspectives floues
Le chiffre qui domine ce budget, c’est bien ce déficit de 22 milliards d’euros. Contrairement à ce que prétend l’exécutif, c'est le symptôme d’un déséquilibre chronique. Le gouvernement justifie cette dérive par le besoin d’investissements immédiats pour préserver le système de santé, mais il se garde bien d’expliquer comment il entend combler ce gouffre dans les années à venir.
Le financement de la Sécurité sociale repose de plus en plus sur des ajustements temporaires qui ne règlent rien sur le long terme. La réduction de 5 % des taux de remboursement de certains médicaments vise officiellement à freiner l’emballement des dépenses, mais elle reporte en réalité le coût sur les patients. De la même manière, le maintien d’exonérations de cotisations pour certaines entreprises accroît les tensions sur les recettes du système.
Tout indique que la question d’un ajustement budgétaire en cours d’année reste une possibilité, même si l’exécutif refuse de l’admettre publiquement. En coulisses, des scénarios sont déjà étudiés : nouvelles restrictions sur le remboursement des soins, mise à contribution accrue des complémentaires santé, voire une révision du financement des arrêts maladie.
Une opposition fragmentée, un gouvernement sous pression
L’adoption de ce budget ne marque pas la fin des turbulences, mais bien le début d’une période de fragilité politique pour François Bayrou. Le rassemblement de la gauche est sorti affaibli de cette séquence, incapable de rassembler l’ensemble des forces de gauche sur la motion de censure. Le PS, en refusant de la voter, s’est placé dans une position ambiguë qui brouille son message.
À droite, le RN joue la carte de l’attente. Le parti de Marine Le Pen préfère laisser le gouvernement s’enfoncer dans ses contradictions avant de frapper au moment opportun. Dans la majorité présidentielle, certains députés s’inquiètent d’une gestion budgétaire qui manque de lisibilité. Si la dette sociale continue de se creuser, ils craignent un retour de bâton économique qui pourrait exploser en pleine année électorale.