Depuis hier, mardi 24 août, les réseaux sociaux sont innondés des photos prises en rafale de policiers ayant interpelé une femme de confession musulmane sur la place de Nice pour lui faire enlever sa tunique.
Christian Estrosi, premier adjoint au Maire de la ville, a annoncé que Nice porterait plainte auprès du Procureur de la république contre les diffuseurs de cette photo sur le fondement de l’article 40 du Code de procédure pénal. Mais une telle action ne semble pas bien-fondée et donc vouée à l’échec.
Les arguments de Christian Estrosi
Dans un communiqué de presse de la Ville de Nice, l’ancien Maire a dénoncé « ce qui apparait comme une manipulation qui dénigre la police municipale, et met en danger ses agents ». Deux fondements légaux se dégagent donc de ses propos : le dénigrement et le délit de risque causé à autrui.
Le dénigrement est le fait de discréditer une entreprise concurrente en jetant publiquement le discrédit sur ses produits, ses services ou sa personne. Monsieur Estrosi devait donc en réalité faire référence à la diffamation, c’est-à-dire toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé (article 29 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881). Lorsque la diffamation est commise contre un dépositaire ou agent de l’autorité publique alors l’amende s’élève à 45.000 euros (article 31).
Le délit de risque causé à autrui est le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence (article 223-1 du Code pénal). Autant dire que le lien de causalité entre la publication de ces photos et l’état d’insécurité ressenti par les policiers à Nice est extrêmement distendu, ceux qui les diffusent ne risquent donc pas d’être inquiétés sur ce fondement textuel.
La prépondérance de la liberté d’expression
In fine de son communiqué de presse, il affirme que « plus que jamais, nous entendons faire respecter l’Etat de droit. ». Or, un Etat de droit est par définition un Etat qui se soumet aux normes juridiques, même si sa puissance s’en trouve limitée. La liberté d’expression est souvent définie comme la pièce angulaire de toute démocratie. Elle connaît toutefois des limites afin de garantir la vie privée et respecter l’honneur des personnes. L’exception à l’exception réside dans le droit du public à être informé.
Au cas présent, les photos des policiers dans l’exercice de leur fonctions, sur un lieu public, ne porte pas atteinte à leur vie privée ou à leur honneur. Ils exercent leur métier, et le public a un droit légitime à être informé de l’effectivité des mesures dites « anti-burkini » qui font l’actualité depuis des semaines. Ces images participent à un débat général, et ceux qui les publient sont libres de donner leur avis sur la question. Ils exercent leur liberté d’expression, qui ne saurait être bridée par des considérations telles que celles avancée par Christian Estrosi.
A ce titre, il est bon de rappeler les principe de base de notre société portés par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen en vertu desquels « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. » et « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. ». Or, « la Loi » n’interdit aucunement de publier ce type de photos.