Avec Georges Pompidou, le début des “emmerdes” pour la technocratie prenait racine à Montboudif. Avec de la terre auvergnate sous les souliers, le successeur du général de Gaulle savait aussi bien manier la langue française que comprendre simplement les Français.
Avec Emmanuel Macron, le jargon familier prend une autre tournure. Il est non plus mobilisé pour réclamer une vie débarrassée des contingences législatives excessives et des administrations tatillonnes en tout genre. Mais, au contraire, employé pour remobiliser son électorat à un tournant décisif puisque nous sommes désormais à moins de deux mois du premier tour des élections présidentielles. Autres temps, autres mœurs.
Certes, il serait accablant de le désigner comme l’unique prosateur peu élégant qui a hérissé nos concitoyens. D’autres avant lui ont eu recours à des termes fleuris à l’instar de Nicolas Sarkozy au salon de l’agriculture. Jacques Chirac, lui, s'employait plutôt à n’en faire usage qu’en privé. A un passant qui l’insultait de “Mitterrand dégage”, le Président socialiste lui répliqua de manière cinglante : “rime pauvre”. Bel exercice d’esprit ! Il en va donc ainsi de la Vème République et de sa sémiologie parfois peu élogieuse qui font naître dans la bouche de ceux qui nous gouvernent, quelques jurons de charretiers. Nous sommes loin de ceux évoqués si poétiquement par Georges Brassens et sa ronde.
Encore que, là n’est pas le plus grave. A bien observer le contenu verbal des candidats à la tête de l’Etat, on se prendrait presque à rêver que notre si belle langue revetisse, au moins pour le temps de ce rendez-vous sérieux, la plus noble expression que nous avons appris à aimer d’elle. Ce qui implique évidemment que l’on remise le fameux nettoyeur à haute pression dans le fond du garage une bonne fois pour toute. Ou encore que l’on nous épargne les anglicismes de toute nature lorsque l’équivalent existe dans notre dictionnaire. Jean-Luc Mélenchon, pourtant connu pour ses excès dont il sait jouer, est sans doute celui qui fait le meilleur emploi de la rhétorique. Quoique, nous évaluerons ici uniquement la forme. Laissons le fond aux électeurs, juges en la matière. Que dire encore d’Eric Zemmour dont la plume acide transperce l’unité républicaine. L’homme est habile mais son propos est violent.
Entre les sorties du président sortant et les exclamations des troquets bourbonnais où l’on parle encore de la politique autour d’un café ou d’un vin blanc, j’écoutais la semaine passée sur Europe 1 Soir, un candidat, pour l’heure peu connu des Français : Gaspard Koenig. Philosophe inclassable dans cette élection, ce penseur aux orientations libérales vient de rejoindre l’arène politique. Il a une méthode. Il a une pensée. Il a aussi fait de la simplification des normes son objectif. Déçu par l’actuel chef de l’Etat pour son exercice recentralisateur du pouvoir et son étouffement des libertés, le voilà placé sur l’échiquier, comme un “centre radical”. Pragmatique, son parti a été baptisé “Simple”. Outre qu’il élève le débat sur les problématiques des électeurs rencontrés en sillonnant la France à cheval, il est sans doute celui qui manifeste la plus lucide et intelligible analyse. Mais il est à craindre que dans cette campagne “merdique”, il ne trouve guère d’échos autrement qu’auprès de celles et ceux qui sont fatigués des bisbilles des partis, des polémiques des éditorialistes et des vendeurs d'une “France en déclin”. Et pourtant, il serait temps de relever le niveau et d’arrêter les petites comédies dont la présidentielle est le théâtre. Et surtout d’écouter l’aspiration profonde de ce pays à plus de concorde, de rassemblement et d’unité. Ou encore faire cesser les démarches nombrilistes primesautières, car comme le disait fort bien Michel de Montaigne, “au plus élevé trône du monde, nous ne sommes toujours assis que sur notre derrière”.