Censure : que débutent les Jeux du Trône de Matignon

Certains jours font l’Histoire, et le mercredi 4 décembre 2024 fait partie de ceux-là. À 20h20, les députés de l’Assemblée nationale ont fait tomber le gouvernement de Michel Barnier en votant la motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire avec 331 voix pour, dépassant ainsi largement la majorité nécessaire pour son adoption, qui est de 289 voix. Jamais une motion de censure n’avait abouti depuis la chute du gouvernement de Georges Pompidou en 1962. L’issue du vote était annoncée, Marine Le Pen ayant à plusieurs reprises confirmé l’intention de son groupe d’apporter son soutien à ladite censure. Le Président doit désormais nommer un nouveau Premier ministre.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 5 décembre 2024 à 10h33
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Les couloirs de l'Élysée sont en effervescence. Emmanuel Macron avait anticipé depuis plusieurs jours la chute du gouvernement Barnier. Si le Président n'est pas assujetti à un temps restreint pour nommer son prochain Premier ministre, il a indiqué qu'il souhaitait donner un nom « dès cette fin de semaine ou la semaine prochaine ». Il se pourrait même que celui-ci soit connu dès ce jeudi 5 décembre 2024, Emmanuel Macron étant invité au journal télévisé de 20 heures de BFMTV. On murmure en effet qu'il souhaiterait avoir un Premier ministre pour l'ouverture de la cathédrale de Notre-Dame, qui se fera en présence de plus d'une cinquantaine de chefs d'État, dont Donald Trump, le 7 décembre 2024. Quelle figure pourrait donc prendre la place de Michel Barnier à Matignon ?

Casse-tête pour Emmanuel Macron

Le gouvernement de Michel Barnier est tombé sous le poids d'une motion de censure déposée par une opposition votée par la gauche et le Rassemblement national. Le Premier ministre démissionnaire avait bien tenté de défendre son recours à l'article 49.3 pour faire passer en force son projet de loi de finances pour le budget de 2025 Sécurité sociale, affirmant que « les Français ne nous pardonneraient pas de privilégier des intérêts particuliers à l’avenir de la nation. » Cela n'aura pas suffi à renverser la balance ni la détermination des députés qui ont voté à 331 voix pour le renvoi du locataire de Matignon. Michel Barnier rendra sa démission à 10 heures, ce jeudi 5 décembre 2024.

Casse-tête pour Emmanuel Macron, qui doit trouver une personnalité qui puisse être acceptée aussi bien par la droite que la gauche de l'échiquier, et ce d'autant plus du fait que, à l'inverse du Rassemblement national, la France insoumise ne cache aucunement son objectif réel : la démission du Président. La LFI annonce donc la couleur : elle censurera tout prochain Premier ministre qui ne viendrait pas des rangs de la gauche.

Emmanuel Macron doit ainsi trouver une figure qui puisse assurer la stabilité politique du pays au moins jusqu'à juillet 2025, celui-ci ne pouvant à nouveau dissoudre l'Assemblée nationale avant cette échéance. Le meilleur scénario pour lui serait que son prochain Premier ministre réussisse à rester en poste à Matignon jusqu'aux prochaines élections présidentielles en 2027, mais celui-ci semble quelque peu improbable au vu du nombre de Premiers ministres qui se sont succédé depuis le premier mandat d'Emmanuel Macron : 6 en tout, si l'on compte Michel Barnier. Au fil du temps, leur séjour à Matignon ne cesse de se réduire, Gabriel Attal n'ayant pas dépassé les 6 mois, et Michel Barnier les 3 mois...

Qui sera le prochain locataire de Matignon ?

Plusieurs noms circulent dans les couloirs de l’Élysée, et chaque groupe parlementaire de l'Assemblée nationale compte bien peser sur celui qui sera finalement choisi par Emmanuel Macron. Bernard Cazeneuve fait partie de ceux qui reviennent régulièrement sur les lèvres, celui-ci ayant d'ailleurs été pressenti pour prendre la suite de Gabriel Attal. Avocat, ancien Premier ministre sous Hollande (2016-2017), il connaît les rouages du métier, mais ne semble néanmoins pas faire l'unanimité, même au sein de la gauche. Une option qui déplaît aussi fortement la macronie, l'un des proches du Président ayant déclaré au Parisien : « Nommer quelqu’un de la gauche qui a voté la censure ? C’est inconcevable ! ». Quid de François Bayrou, président du MoDem, qui est, lui aussi, souvent mentionné ? Un « emmerdeur fini », tacle encore un autre proche d'Emmanuel Macron à nos confrères.

 Le nom de Sébastien Lecornu revient également régulièrement à la charge. Mais l'actuel ministre des Armées part avec une grosse épine dans le pied, celui-ci étant issu des rangs de la macronie. Roland Lescure, ancien ministre délégué chargé de l'Industrie et de l'Énergie, ferait aussi partie des prétendants au trône de Matignon. Député des Français d'Amérique du Nord, celui-ci est proche d'Emmanuel Macron, et plus précisément, de son secrétaire d’État à l’Élysée, Alexis Kohler. Emmanuel Macron pourrait également tendre le bras à la droite en proposant Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur du gouvernement de Michel Barnier, mais cette hypothèse ne semble pas ravir les membres du camp présidentiel, dont l'un d'entre eux s'exaspère déjà de ce que serait une telle issue, rapportent nos confrères de RTL : « Ça fait 15 ans que Les Républicains perdent les élections et on leur offre Matignon ? ». D'autres noms, tels que Thierry Breton, ex-commissaire européen, ou François Galloy-Villerou, gouverneur de la Banque de France, sont évoqués non sans une certaine discrétion.

Enfin, certaines personnalités tentent le tout pour le tout, notamment Ségolène Royal, qui n'a pas hésité à s'annoncer comme étant « disponible » sur X (ex-Twitter), ni à faire sa propre éloge d'ailleurs : « Oui, suis disponible et je l’ai écrit au PR. Pour que nul ne dise, si un PM d’un parti désavoué aux élections à nv nommé, est à nouveau censuré, que c’est par manque de candidate venue de la gauche, expérimentée et rassembleuse. Et je le dois à toutes les femmes et petites filles. »  Emmanuel Macron pourrait tout aussi bien choisir de renommer Michel Barnier, mais cela serait un non-sens pour ce dernier qui déclarait sur le plateau de TF1 mardi 3 décembre 2024 : « si je tombe demain et qu'après-demain, on peut me retrouve ici (à Matignon, ndlr) comme si rien ne s’était passé ».

Garder la face pour l'ouverture de la cathédrale de Notre-Dame

Des journalistes du monde entier s'étaient déplacés mercredi 4 décembre 2024 pour connaître l'issue du vote de la motion de censure. Avec la réouverture de la cathédrale Notre-Dame, et la cérémonie officielle prévue ce samedi 8 décembre 2024, Emmanuel Macron s’est fixé une échéance des plus courtes. Selon Le Parisien, il souhaiterait même nommer un Premier ministre dans les « 24 heures » pour éviter de paraître affaibli devant des invités, soit devant la cinquantaine de chefs d'État qui seront présents, dont Donald Trump.

Un proche du président résume ainsi l'urgence : « C’est une question de crédibilité internationale. La France ne peut pas apparaître sans chef de gouvernement à un moment aussi symbolique. » Emmanuel Macron donnera-t-il le nom du prochain locataire de Matignon ce jeudi 5 décembre 2024 au 20 heures de BFMTV ?

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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