Nos confrères de Challenges tapent de nouveau dans la fourmilière. Alors que l’État demande aux citoyens de se serrer la ceinture, les membres du Conseil constitutionnel, surnommés les « Sages », continuent de toucher des rémunérations exorbitantes, et… sans base légale !
Conseil constitutionnel : les Sages s’en mettent plein les poches
Nos confrères se sont en effet fait le relais d'un rapport de l'Assemblée nationale, rapporté par la députée La France Insoumise Marianne Maximi, dans le cadre de la Commission des Finances, de l’Économie générale et du Contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2025, publié en octobre 2024.
15 000 euros par membre du Conseil constitutionnel
Comme le relaye Challenges, les neuf membres du Conseil constitutionnel perçoivent environ 15 000 euros bruts par mois, ce qui équivaut à un dépassement de 8 500 euros du salaire prévu par l’ordonnance organique en vigueur. Une situation qui a provoqué l'ire de la députée Marianne Maximi, qui dénonce une rémunération qui : « ne respecte pas les règles fixées par le législateur organique », autrement dit, qui est illégale.
Ce n'est pas la première fois que le montant des rémunérations des membres du Conseil constitutionnel, ou plutôt leur absence de base légale, est pointé du doigt par les médias. L'ordonnance organique en question remonte à 2001, lorsque Florence Parly, alors secrétaire d’État au budget, a adressé une lettre autorisant cette augmentation afin de compenser la suppression d’un avantage fiscal pour les Sages... Petit hic : cette lettre n’a jamais été rendue publique, et rien ne garantit qu’elle ait une valeur légale. Résultat : les Sages continuent de s'empiffrer, sans que l'on sache vraiment à quoi cette institution s'affaire la journée, sauf lorsqu'elle recadre les Français, en leur imposant sa vision du droit, souvent, contre l'avis général, en témoigne la loi immigration , ou encore la préférence nationale, jugée anticonstitutionnelle par les Sages.
Une avarice sans complexe
Un autre point soulevé par Challenges concerne les indemnités touchées par les anciens présidents de la République siégeant de droit au Conseil constitutionnel à vie, ceux que l'on appelle les « membres de droit » (refusé par Nicolas Sarkozy et François Hollande). Valéry Giscard d’Estaing, dernier ancien président à avoir accepté cette fonction, aurait perçu 165 992 euros en 2020 pour un seul acte de présence, c'est-à-dire à une réunion... à l’âge de 94 ans ! L’année précédente, il avait empoché 179 991 euros pour cinq réunions seulement, soit plus de 35 000 euros par acte de présence... tout cela aux frais du contribuable, bien sûr !
Qu'est-ce qui justifie de telles sommes ? On peut d'autant plus se poser la question que les membres du Conseil constitutionnel ne sont aucunement étrangers aux affaires publiques. Ils cumulent tous des mandats. Laurent Fabius, par exemple, 79 ans, une des principales figures socialistes françaises, a été par quatre fois ministre, une fois Premier ministre, maire, député, président de l'Assemblée nationale... et il est depuis 2016, président du Conseil constitutionnel. René Dosière, président de l’Observatoire de l’éthique publique, fustige ces pratiques qu’il qualifie de « véritable aberration » et rappelle que les membres du Conseil constitutionnel continuent de cumuler leurs pensions de retraite avec leurs indemnités, sans aucun plafond. Et comme si cela n'était pas suffisant, et le souligne Challenges, contrairement aux magistrats judiciaires et administratifs, les Sages ne sont pas soumis aux obligations de déclaration de patrimoine et d’intérêts.
Un budget des institutions
Le rapport de l’Assemblée nationale examine également le budget global des pouvoirs publics pour 2024 et 2025. Voici les dotations prévues pour chaque institution et leur évolution :
Institution | Dotation 2024 (en millions d’euros) | Dotation 2025 (en millions d’euros) | Variation (%) |
---|---|---|---|
Présidence de la République | 123 | 126 | +3 % |
Assemblée nationale | 608 | 618 | +2 % |
Sénat | 353 | 359 | +2 % |
Conseil constitutionnel | 18 | 17 | - 6 % |
Cour de justice de la République | 1 | 1 | 0 % |
Total des pouvoirs publics | 1 138 | 1 157 | +2 % |
On peut noter une baisse de 6 % du budget alloué au Conseil constitutionnel pour l'année 2025, mais celui-ci s'élève tout de même à 17 millions d'euros pour cette seule année. Un montant particulièrement élevé, d'autant plus que l'on ne connaît pas les besoins réels de cette institution.
Des réformes toujours enterrées
L'opacité des rémunérations du Conseil constitutionnel aurait pu être réglée en 2021, lorsque la députée Cécile Untermaier avait fait une proposition de loi visant à encadrer cesdites rémunérations. Mais celle-ci est restée lettre morte. Aucun gouvernement, depuis, n’a osé s’attaquer à ce tabou, alors qu'il est demandé aux Français de se serrer la ceinture. Après tout, « la collecte de l’impôt consiste à plumer l’oie sans qu’elle crie », disait Colbert.
Quoi qu'il en soit, le Conseil constitutionnel changera bientôt de président, le mandat de Laurent Fabius étant prévu pour s'achever d'ici à mars 2025. Celui-ci a tenu à donner son conseil de « sage » au président Emmanuel Macron, lors de la cérémonie des vœux à l'Élysée, le 8 janvier 2025 : « Avec d’autres, j’ai depuis longtemps appelé l’attention sur ce qu’il était convenu d’appeler un malaise démocratique français » (...) « Ce n’est pas parce que certaines pratiques institutionnelles sont contestées, voire contestables, qu’on doit mettre en cause les institutions elles-mêmes. » « La stabilité n’est pas le contraire du mouvement, mais la condition de sa possibilité. », a-t-il conclu.