Réélu haut la main en octobre dernier, le président Alassane Ouattara s'efforce depuis de renouer le dialogue avec les principales figures de l'opposition. Les élections législatives, prévues en mars, auront valeur de test pour la démocratie ivoirienne.
Quand certains jettent de l'huile sur le feu, appelant leurs partisans à refuser les résultats des élections et conduisant les Etats-Unis au bord du chaos, d'autres jouent l'apaisement. Ainsi d'Alassane Ouattara, le président de la Côte d'Ivoire, réélu le 31 octobre dernier pour un troisième mandat dont ses opposants refusent, eux aussi de reconnaître la légitimité. L'élection présidentielle ivoirienne s'est ainsi déroulée dans un climat de tension, les violences faisant, entre les mois d'août et de novembre, près de cent morts et plusieurs centaines de blessés de par le pays.
Autant d'évènements qui ont convaincu le chef de l'Etat, depuis sa réélection, de tenter d'apaiser un climat post-électoral explosif. Alassane Ouattara cherche à consolider le dialogue politique avec ses principaux opposants, au premier rang desquels ses prédécesseurs que sont Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Des négociations ardues, qui devraient aboutir sur un accord en bonne et due forme entre les grands acteurs de la vie politique ivoirienne. Le pouvoir, par la voix du premier ministre Hamed Bakayoko, se félicite d'un « consensus pour la poursuite du dialogue », visant à une « décrispation du climat politique ». L'opposition « ne s'est pas retirée du dialogue, c'est une dynamique », affirme Adama Bictogo, le numéro deux du parti présidentiel.
Un dialogue laborieux
Une dynamique mise en avant par Alassane Ouattara lors de ses vœux à la nation. Au cours de sa traditionnelle allocution télévisée du 31 décembre, le président ivoirien s'est ainsi félicité de la qualité du dialogue mené avec l'opposition et la société civile, se disant « confiant qu'avec l'implication de tous, ce grand chantier de réconciliation sera conduit avec succès ». « Nous avons la responsabilité de préserver la paix, de bannir la violence et d'unir nos forces pour la construction d'une nation apaisée », a encore lancé le chef de l'Etat à la télévision ivoirienne, appelant ses compatriotes à « intensifier toutes nos actions en faveur du pardon et de la concorde nationale ».
Un appel relayé par la principale figure de l'opposition, Henri Konan Bédié. L'ex-président et chef du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) a réitéré sa conviction selon laquelle « le dialogue national (lui) paraît la seule voie pour sortir (son) pays de l'impasse » politique. Bédié et Ouattara ont ainsi « convenu de reprendre le dialogue bilatéral (…) dans la deuxième quinzaine du mois de janvier », a assuré le président ivoirien il y a quelques jours. En attendant la reprise des pourparlers, ce dernier s'est livré à un certain nombre de gestes symboliques destinés à apaiser les tensions.
Le symbole : la libération de Pascal Affi N'Guessan
C'est ainsi que le chef d'Etat a profité de son allocution du 31 décembre pour annoncer la grâce d'environ 2 000 prisonniers ayant commis des délits mineurs. « Je note la décision de mettre fin au mot d’ordre de désobéissance civile et je me réjouis de la mise en liberté de certaines autorités », a notamment déclaré Alassane Ouattara. Un geste d'apaisement intervenant au lendemain de la libération de Pascal Affi N'Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), incarcéré depuis deux mois « dans le cadre des procédures judiciaires ouvertes pour complot et atteinte à l’autorité de l'Etat commis à l’occasion de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ». Déclarant qu'il n'avait « pas eu à subir (…) quelque maltraitance que ce soit », ce dernier a concédé qu'il « n'est jamais trop tard pour bien faire » et dit espérer que « ce dialogue politique sera conduit avec sincérité (et) franchise ».
Les législatives de mars, symboles d'une normalisation en vue ?
Quoiqu'il advienne du dialogue entre pouvoir et opposition, les prochaines élections législatives auront valeur de test grandeur nature pour la Côte d'Ivoire. Celles-ci se tiendront le 6 mars 2021, ont annoncé les autorités à la fin du mois de décembre dernier. Si plusieurs points de blocage subsistent encore – notamment concernant la composition de la commission électorale –, le fait de convoquer à nouveau, et dans un intervalle relativement court, les électeurs ivoiriens, devrait acter la décrispation si ardemment désirée par les acteurs en présence. Le FPI, le parti de l'ancien président Laurent Gbagbo, a d'ores et déjà annoncé qu'il participerait au scrutin, alors qu'il avait appelé à boycotter l'élection présidentielle.
Après plusieurs mois de tensions, la vie politique ivoirienne pourrait donc être en bonne voie de normalisation.