Dans le story-telling officiel, des centaines de milliers de réfugiés ont spontanément afflué en Grèce, en 2015, chassés par la guerre en Syrie. Une petite visite sur Lesbos, par laquelle la moitié des réfugiés serait passée, montre que cette version ne tient pas vraiment. Reste à savoir ce que cette mise en scène industrielle a réellement dissimulé. Par exemple une vengeance de Syriza contre l’Allemagne.
Le 9 avril 2015, le ministre grec de la Défense, Panos Kammenos, qui est alors l’équivalent local d’un Dupont-Aignan, allié à Syriza dans un gouvernement de circonstance, menace l’Europe d’être inondée par des millions de réfugiés si elle ne cède pas aux injonctions de la nouvelle majorité en Grèce. Au passage, le délicat ministre souhaite que cette marée humaine permette l’infiltration de terroristes sur le sol européen. Ces paroles mal comprises à l’époque se sont finalement révélées prémonitoires. Voire terriblement sincères.
En juillet 2015, en effet, l’Europe oblige Tsipras à renoncer à ses projets de révolte contre la zone euro. La Grèce rentre dans le rang. Mais la marée humaine fait son oeuvre et l’Allemagne, fin août, ouvre ses frontières à un million de nouveaux venus. La vengeance de Syriza prend alors toute sa dimension, ou presque.
Reste la question du terrorisme, prédite par Kammenos. Il faut attendre les terribles attentats à Paris, le 13 novembre 2015, notamment le massacre du Bataclan, pour comprendre le poids des annonces faites par Kammenos. On y découvre que l’un des bourreaux a franchi la frontière de l’Union à Lesbos, le 3 octobre précédent.
On sait aujourd’hui que, dans cette marée humaine décidée plus que promise par le gouvernement grec, Salah Abdeslam, dernier survivant des commandos musulmans du 13 novembre 2015, a fait son miel. Il a notamment bénéficié du soutien d’associations humanitaires pour convoyer 13 personnes, dont plusieurs sont morts dans des opérations terroristes. Progressivement, le puzzle d’informations disparates prend son sens. Effectivement, le gouvernement grec savait, en 2015, que des candidats au terrorisme profiteraient de la « vague » pour sévir sur le continent.
L’impossible ignorance du gouvernement grec
Il faut aller sur place, sur la plage d’Efthalou, tout au nord de l’île de Lesbos, qui a vu passer des dizaines de milliers de réfugiés, pour comprendre que le story-telling véhiculé par les médias officiels ne pouvait pas avoir de sens en dehors des événements tragiques qui allaient suivre.
Aujourd’hui, Lesbos, c’est une sorte de paradis sur terre. Tout au bout d’une route mal goudronnée, on tombe sur une longue plage de galets baignée d’une eau bleu turquoise, au pic d’une falaise aride. Une cabane en pierre et en chaux cache une vieille piscine ottomane où l’on peut prendre, pour 4 euros, les eaux chaudes qui sourdent de la montagne. D’un strict point de vue touristique, l’endroit vaut de l’or.
Il présente une particularité: l’eau qui frappe de ses vaguelettes les cailloux de la plage n’est qu’un bras de mer qui sépare Lesbos de la Turquie. À vue d’oeil, la côte turque qui s’étale à quelques minutes en bateau juste en face n’est ni plus feuillue ni moins accueillante. Un bateau relie une fois par jour la Grèce et la Turquie. Tous les mouvements sont ici sous contrôle: les Grecs ne sont pas prêts d’oublier que Lesbos n’a rejoint le giron national qu’en 1912, et qu’il peut régulièrement être le lieu de provocations militaires, comme l’île de Limnos ou celle de Farmakonisi, de la part des Turcs. D’ailleurs, le voyageur contemporain ne tarde pas à s’apercevoir que l’extrême nord de Lesbos est mieux couvert par le réseau GPS turc que grec. Tout un symbole…
Sur place, on comprend donc que pas un centimètre carré de ces côtes très disputées n’a pu échapper à la vigilance des autorités d’un coté comme de l’autre de la mer Égée. Les distances sont si serrées qu’aucune noyade n’est possible sans alerte militaire venant d’un bateau en perdition dans cet espace de lac qui sépare l’Europe et l’Asie. Ni bien sûr aucun départ de la moindre barque clandestine.
À Lesbos, on comprend que la crise des réfugiés était tout sauf un phénomène échappant au contrôle des pouvoirs en place, qu’il soit grec ou turc.
De la réalité sordide au romantisme bobo
Une simple visite à Lesbos permet de le comprendre visuellement. Bien sûr qu’aucune embarcation ne pouvait traverser les bras de mer côté turc sans que et les autorités turques et les autorités grecques ne le sachent, ne serait-ce que par un contact au moyen de jumelles. Même une barque minuscule ne peut quitter les côtes turques sans qu’un soldat grec ne s’aperçoive dans les premières secondes de départ. Tout, ici, est sous contrôle, sous surveillance. Tout ici est à portée d’interception numérique, visuelle, même sans aucun moyen perfectionné.
Alors pourquoi nous avoir servi la soupe grotesque de centaines de milliers de réfugiés quittant la Turquie pour la Grèce (jusqu’à plus de 3.000 par jour!) au péril de leur vie? Cette version des faits est démentie par les observations les plus évidentes. Les réfugiés qui ont traversé la mer ici ne risquaient pas leur vie comme la risquaient les Juifs qui traversaient les frontières de 1940 ou de 1942.
Il a donc fallu un effort impressionnant de mise en scène pour transformer la crise des réfugiés de 2015 en fuite en avant face au nazisme ou à Pol Pot. Bien entendu que ni politiquement ni physiquement les deux opérations ne se ressemblaient. La Turquie donne l’abri à 2 millions de Syriens sans persécution, et traverser les bras de mer qui séparent la Turquie et la Grèce n’a rien de commun avec une expédition de boat people.
Mais il est vrai que dans la bonne conscience bobo, quitter la Turquie par la mer a très vite ressemblé à tous les gestes héroïques du siècle précédent. Et tous ceux qui se sont risqués à pointer les différences et les incohérences du récit qui était servi avec la complicité des grands médias capitalistes tant honnis d’ordinaire, ont fait l’objet des pires accusations de racisme, de nazisme, de fascisme, de révisionnisme, et de tant d’autres mots repoussoir en Occident.
Très vite s’est créé un romantisme de la crise des réfugiés qui ne souffrait aucune forme d’interrogation objective.
De la manipulation dans nos démocraties décadentes
Pendant cette fameuse crise des migrants, la bien-pensance bobo a démontré sa capacité à distiller la haine et le bannissement pour imposer une propagande officielle comme vérité historique.
D’un côté, il y avait les bons de Syriza victime d’une arrivée incontrôlable de traîne-misère fuyant la guerre fasciste. De l’autre, il y avait les méchants populistes, les démagogues, la fachosphère exprimant ses doutes, voire ses réticences, voire son aversion, à une opération qui sentait le coup fourré. Il n’y a pas si longtemps, nous étions sommés, au nom de tous les dieux bien-pensants (le vivre ensemble, la lutte des classes, le droit d’asile réinterprété dans une version folk), d’opiner du bonnet sans barguigner à cette version simpliste de l’histoire selon laquelle l’une des côtes les plus surveillées d’Europe par les armées les mieux prêtes à la guerre serait subitement devenue le théâtre d’un mouvement migratoire d’une importance inconnue depuis la fin de la guerre, sans aucun arrangement politique, sans aucune implication officielle. Et tous ceux qui avaient l’audace de soulever le moindre sourcil pour exprimer leur doute, ou même un simple scepticisme civique, étaient calomniés dans la seconde même au son d’un crypto-fascisme éliminatoire.
On se souviendra ici des déclarations le coeur sur la main proférées par l’idéologue en chef Bernard Henri-Lévy sur le sujet. Selon lui, la France s’était fait damer le pion comme pays des Droits de l’Homme parce qu’elle n’accueillait pas à tour de bras tous ceux qui profitaient de l’île de Lesbos et de son ouverture temporaire pour se déclarer victimes de la tyrannie syrienne. La dichotomie était simple: accueillir les réfugiés, c’était gentil et conforme à la tradition des droits de l’Homme, ne pas les accueillir, c’était méchant et contraire aux droits de l’Homme. Un raisonnement aussi complexe ne peut être tenu que par un philosophe de haut vol.
On retiendra surtout l’immense manipulation dont les opinions publiques ont fait l’objet dans cette affaire. Le travail d’intimidation a fait son oeuvre. Émettre le moindre doute sur la version officielle des faits s’est généralement soldé par la reproche d’adhésion aux thèses nazies, ou d’extrême-droite, ou de la fachosphère: autant d’éteignoirs interdisant l’exercice d’une pensée libre dans nos régimes supposés libres.
La crise des réfugiés, ultime vengeance de Syriza?
Reste que, dans cette fameuse crise des réfugiés qui a défrayé le chronique jusqu’aux violences sexuelles de masse perpétrées en Allemagne fin 2015, l’image du réfugié victime innocente de la guerre a servi de paravent à une politique structurée de déstabilisation. Rétrospectivement, il sera intéressant de savoir si Angela Merkel avait effectivement ou non le choix de refuser l’ouverture des frontières allemandes aux centaines de milliers de marcheurs qui ont rejoint la Grèce pour s’établir en Europe. Cette ouverture était-elle le prix à payer en contrepartie du règlement rigide de la crise grecque?
Si rien ne permet de l’affirmer, rien ne l’exclut. Toujours est-il que l’équipe Syriza avait annoncé dès avril 2015 la suite des événements et qu’il existe aujourd’hui une forte présomption pour considérer que Syriza a ouvert les frontières migratoires pour se venger d’une Europe trop peu clémente vis-à-vis de la démagogie intérieure grecque.
Jusqu’à favoriser le développement d’un terrorisme dont on mesure aujourd’hui les effets létaux.
Une chose est sûre, en tout cas, ni les autorités turques ni les autorités grecques ne pouvaient rien ignorer du détail des trafics qui ont permis à un million de migrants de traverser la frontière de l’Union en 2015.
Panos Kammenos, 9 avril 2015
Si l’Europe nous lâche en pleine crise, on l’inondera de migrants, on leur distribuera des papiers valides qui leur permettront de circuler dans l’espace Schengen. Ainsi, la marée humaine pourra se rendre sans problèmes à Berlin. Et tant mieux si, parmi ces migrants, se trouvent des djihadistes de l’État islamique.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog