Les prisons doivent-elles être uniquement des lieux de sanction ou aussi de réinsertion ? Gérald Darmanin, ministre de la Justice, vient de trancher en interdisant toute « activité ludique » en détention, après une polémique déclenchée par des massages du visage offerts à des détenus.
Détention : Darmanin interdit les « activités ludiques » en prison

Un massage du visage et une séance de danse country en prison suffisent-ils à déclencher une tempête politique ? C’est pourtant ce qui s’est produit, poussant Gérald Darmanin à décréter l’arrêt immédiat de toute activité jugée non essentielle à la réinsertion.
Un scandale parti d’un simple massage en prison
Tout commence à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses, où une vingtaine de détenus bénéficient de soins du visage proposés gratuitement par une école toulousaine à l'occasion de la Saint-Valentin. Une activité qui, selon les organisateurs, s’inscrivait dans une démarche de bien-être et de gestion du stress. Mais le syndicat FO Justice s’indigne, dénonçant une complaisance inacceptable envers les prisonniers. Rapidement relayée par le journal La Dépêche, l’information enflamme le débat public depuis sur les conditions de détention en France.
Face à l’ampleur de la polémique, Gérald Darmanin réagit avec fermeté. Le ministre de la Justice annonce, le 17 février 2025, l’interdiction de toutes les « activités ludiques » en prison qui ne concernent ni l’éducation, ni l’apprentissage du français, ni le sport. « Il est hors de question d’avoir des activités ludiques qui choquent tous nos concitoyens et qui m’ont choqué profondément lorsque j’ai appris que cette activité gratuite qui avait été proposée localement avait été acceptée », martèle-t-il, estimant que ces initiatives n’ont pas leur place dans l’univers carcéral.
À l’été 2022, une autre affaire avait déjà suscité une levée de boucliers : l’organisation d’un tournoi de karting à la prison de Fresnes. Ce précédent avait entraîné un durcissement des règles encadrant les activités destinées aux détenus, déjà perçues comme un sujet sensible dans l’opinion publique.
En pointant du doigt des « habitudes prises avant [son] arrivée » place Vendôme, Gérald Darmanin laisse entendre que cette mesure est une volonté pour lui de reprendre en main l’administration pénitentiaire. Pour lui, la prison ne doit pas être un lieu de loisir, mais uniquement un espace de sanction et de réhabilitation par le travail ou l’éducation.
Darmanin : des critiques virulentes sur une décision jugée contre-productive
Mais cette interdiction totale ne fait pas l’unanimité. Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, dénonce une mesure excessive et rappelle que ces activités ne sont pas exclusivement des distractions : « Elles réapprennent aux gens à revivre normalement ». Elle souligne aussi l’urgence d’autres problèmes structurels bien plus graves : la surpopulation carcérale. À Toulouse-Seysses, par exemple, le taux d’occupation atteint 208 %, ce qui signifie que plus de deux détenus occupent une cellule prévue pour un seul.
Alors, vaut-il mieux supprimer quelques activités récréatives symboliques pour afficher une posture de fermeté, ou s’attaquer aux conditions de détention qui restent un facteur majeur de récidive ? Pour les défenseurs des droits des détenus, priver les prisonniers de tout loisir ne fera qu’aggraver les tensions en prison, sans résoudre les vrais défis de l’univers carcéral.
La rapidité et la radicalité de la décision de Gérald Darmanin laissent penser à une manœuvre politique calculée. Face à une opinion publique souvent hostile aux conditions de détention jugées trop « confortables », et dans un climat où la sécurité est l'une des priorités pour une large majorité des Français, cette prise de position tranche avec une approche plus nuancée du système pénitentiaire.
Reste une question : cette suppression des loisirs en prison améliorera-t-elle réellement la situation, ou risque-t-elle d’aggraver les tensions et de favoriser une logique punitive au détriment de la réinsertion ?