Les transactions financières d’une élue républicaine proche de Donald Trump attirent l’attention du Congrès et de la SEC, alors qu’elles coïncident avec une décision présidentielle ayant entraîné une forte hausse des marchés.
Délit d’initié : une élue républicaine a-t-elle été épinglée ?

Le 15 avril 2025, plusieurs médias américains ont révélé que l'élue, Marjorie Taylor Greene, représentante républicaine de Géorgie, avait réalisé des opérations boursières significatives quelques jours avant l’annonce par Donald Trump d’un moratoire sur les droits de douane supplémentaires. Cette déclaration présidentielle a eu des effets immédiats sur les marchés. Le calendrier de ces investissements soulève aujourd’hui des interrogations sur un éventuel conflit d’intérêts ou un usage inapproprié d’informations sensibles.
Des transactions effectuées dans un contexte de forte volatilité
D’après les documents transmis par l’élue à la Chambre des représentants, l'élue Marjorie Taylor Greene a acheté, les 8 et 9 avril 2025, des actions dans plusieurs grandes entreprises américaines, parmi lesquelles Apple, Amazon, Tesla, Nvidia, Palantir ou encore Merck. Ces acquisitions ont été réalisées via 21 transactions distinctes, pour un montant total compris entre 21 000 et 315 000 dollars. Dans le même laps de temps, elle a cédé entre 50 000 et 100 000 dollars de bons du Trésor.
Ces opérations sont intervenues à un moment clé : le 9 avril au matin, Donald Trump publiait un message sur sa plateforme TruthSocial affirmant que c’était « le moment d’acheter ». Quelques heures plus tard, il annonçait la suspension pour 90 jours des droits de douane supplémentaires qui avaient été imposés à de nombreux pays, à l’exception notable de la Chine. Cette annonce a provoqué un net rebond des indices boursiers.
Certaines des sociétés dans lesquelles l’élue a investi ont connu des hausses marquées dans les jours qui ont suivi. Cette chronologie a incité plusieurs élus à s’interroger sur la concordance entre les décisions politiques et certaines opérations privées.
Une réaction rapide de l’opposition démocrate
Dès la publication des transactions, six sénateurs démocrates, dont Elizabeth Warren et le chef de la majorité au Sénat Chuck Schumer, ont adressé une lettre à la Securities and Exchange Commission (SEC). Ils y demandent que l’agence examine si les annonces du président ont pu favoriser des acteurs politiquement proches de l’exécutif.
À la Chambre des représentants, plusieurs membres de la minorité démocrate ont exprimé des préoccupations similaires. Pour Alexandria Ocasio-Cortez, l’enjeu ne se limite pas à la question d’un enrichissement personnel : il s’agit de garantir que les décisions de politique économique ne soient pas influencées, même indirectement, par des intérêts privés. Des élus comme Steven Horsford et Robert Garcia ont également évoqué le risque que certaines informations circulent de manière informelle au sein du Congrès ou entre responsables politiques.
Cette mobilisation fait écho à plusieurs initiatives législatives en cours, dont certaines visent à restreindre, voire interdire, les investissements boursiers des membres du Congrès pendant leur mandat.
Cadre légal et transparence des élus
Sur le plan strictement juridique, l'élue Marjorie Taylor Greene n’a enfreint aucune disposition connue à ce jour. Le Stock Act, adopté en 2012, impose aux parlementaires fédéraux de déclarer leurs transactions financières supérieures à 1 000 dollars dans un délai de 30 à 45 jours. L’élue a respecté ces délais.
Elle a également indiqué que ses investissements sont gérés dans le cadre d’un mandat fiduciaire confié à un conseiller financier, ce qui signifie qu’elle ne serait pas directement impliquée dans le choix des actifs. Ce mode de gestion est autorisé mais ne constitue pas une barrière étanche à toute forme de soupçon. En l'absence de mur complet entre gestion privée et fonctions publiques, des doutes peuvent persister sur la possibilité de transmission indirecte d'informations.
La présidence de la SEC, actuellement occupée par Paul Atkins, nommé par Donald Trump fin 2024, devra déterminer si une enquête formelle est nécessaire. À ce stade, l’agence n’a pas fait de déclaration publique.
Une affaire aux résonances politiques multiples
Si les faits ne permettent pas pour l’instant de conclure à un délit d’initié, l’affaire met en lumière les lacunes persistantes du régime de transparence financière des élus.
Les propositions pour renforcer la régulation sont nombreuses. L’une des plus avancées est le « End Congressional Stock Trading Act », soutenu par des parlementaires des deux partis. Le texte prévoit d’interdire à tout membre du Congrès de détenir ou d’acheter des actions individuelles pendant la durée de son mandat, sauf à les placer dans un fonds géré de manière totalement indépendante et non consultable.
Jusqu’à présent, ces initiatives n’ont jamais obtenu de majorité suffisante pour être adoptées. Mais cette nouvelle affaire pourrait relancer le débat. L’opinion publique américaine est de plus en plus sensible aux enjeux d’éthique publique, et les questions de conflits d’intérêts figurent régulièrement en tête des préoccupations électorales.
Un contrôle renforcé à venir ?
Il revient désormais à la SEC et, potentiellement, aux commissions parlementaires concernées, de déterminer si les conditions d’une enquête sont réunies. En parallèle, la question de la réforme du régime de déclaration financière des élus pourrait réapparaître dans les débats de campagne.
L'élue Marjorie Taylor Greene, pour sa part, n’a pas commenté publiquement les critiques la visant, se contentant de rappeler que ses obligations déclaratives ont été respectées. Si l’affaire venait à s’amplifier, elle pourrait néanmoins fragiliser sa position, en particulier au sein d’un électorat républicain partagé entre loyauté à Donald Trump et exigence d’exemplarité.