Le premier tour des élections départementales signe la disparition, sans doute provisoire, de la gauche socialiste dans de nombreux départements. Il montre une victoire, qui peut être tout aussi provisoire, de la droite, même si elle sera très amplifiée par le second tour du dimanche 29 mars.
N'oublions pas, en effet, comme l'ensemble de nos compatriotes, que l'élection stratégique reste celle du chef de l'Etat programmée en 2017.
La droite a besoin d'un programme précis
Or, pour ce que l'on nomme la droite, l'élection présidentielle ne sera pas gagnée sans un programme fondé sur un véritable corpus idéologique, actuellement absent ou inexistant. D'autant plus, si se décidait une candidature quasi unique à gauche, avec une alliance entre messieurs Hollande et Placé, face à deux candidatures à droite et au centre.
Départementales : la victoire du FN et de l'abstention
Deux forces sortent victorieuses: d'un côté la France des abstentionnistes éloignée de plus en plus des urnes, et celle du Front National pleine d'élan vital. Quelles réflexions peut-on envisager après cette première étape? Premièrement, le résultat montre que les électeurs ont voulu qu'une dimension politique d'ordre national soit prise en compte. Au-delà de l'aspect classique d'un vote contre le pouvoir en place, ils ont bien intégré le fait que la majeure partie des budgets départementaux dépendaient de la déclinaison locale d'orientations concernant l'ensemble du pays. Combien d'électrices et d'électeurs ont un parent qui relève désormais de la prise en charge de la dépendance liée à une pathologie de type Alzheimer par exemple? Or, cette prise en charge, par l'Allocation Personnalisée d'Autonomie grève les finances des départements ruraux avec un fort taux de vieillissement de leur population, ce dont les contribuables-électeurs sont bien conscients. A force d'expliquer que les départements devaient être relégués à la gestion sociale de proximité, il est logique que l'on ait renforcé les exaspérations des travailleurs pauvres, et des personnes en activité avec de faibles rémunérations, contre la politique d'aide trop systématisée et ses abus.
La fin de l'élu non inscrit en zone rurale
Deuxièmement, le scrutin signe la fin prévisible de l'élu ou du candidat non inscrit en zone rurale. En effet, avec un fort aspect national, l'électorat demande aux candidates et aux candidats de se situer quant à leurs choix politiques. Non pas tant sur un positionnement simpliste, dit de droite ou de gauche, mais plus sur leurs orientations quant aux grands sujets, comme le rapport entre le travail et l'aide sociale, ou l'accès à l'emploi. Mais aussi, et ce, de manière souvent non verbalisée, voire non consciente, comme le choix entre une vision qui intègre la nation ou celle qui porte un fédéralisme dans lequel, justement, se diluerait la nation. Les documents de campagne rédigés comme s'ils s'adressaient à des élus, maires ou conseillers municipaux, ne portent plus s'ils n'intègrent pas un langage compréhensible pour les citoyens qui n'ont reçu aucune instruction civique pratique et qui ne connaissent rien du rôle d'un élu départemental. Or, par essence, le candidat local non inscrit n'aborde pas les questions plus générales qui relèvent des choix politiques plus clivant.
Une baisse de connaissances des candidats
Troisièmement, l'élection montre une baisse du niveau de connaissance et de compétence technique des candidates et candidats. Cette baisse est parfois associée à des candidatures de personnes n'ayant aucun lien géographique avec le canton choisi pour porter les couleurs de leur mouvement politique. La baisse du niveau général me semble très inquiétante, car la complexité des questions posées pour gérer une collectivité locale est-elle en constante augmentation. Nous risquons un effet de ciseau préjudiciable à un bon exercice démocratique. La question du statut des élus est, plus que jamais, posée, mais aussi, celle de la formation des impétrants à l'exercice de responsabilités locales.
Les Français veulent des choix clairs et compréhensibles
Enfin, à un niveau plus politique, l'élection n'est pas la victoire d'une stratégie d'alliance de premier tour entre ce que l'on nomme le centre et la droite, par rapport à la désunion de la gauche. Si cette alliance, qui simplifie le choix de l'électeur, n'est qu'un moyen pour limiter l'éparpillement des voix au premier tour d'une élection, et, par conséquent, pour qualifier le candidat du camp uni face à celui du camp divisé pour le deuxième tour, elle sera perdante en 2017. En effet, les Françaises et les Français vont demander aux candidats des choix clairs et compréhensibles par rapport à la politique de sécurité, aux flux migratoires, ou au niveau macro-économique. Si ces questions ne sont pas abordées et prises en compte, avec une volonté établie d'y répondre concrètement, l'évasion de l'électorat de droite vers le Front National ou l'abstention se poursuivra.
Les décideurs politiques ne doivent pas confondre une victoire tactique, si forte soit-elle, avec un succès stratégique qui se prépare à l'avance. Encore une fois, le champ de bataille de la politique est celui du vocabulaire, depuis des années la droite n'utilise plus certains mots et reprends ceux que la gauche s'est attribuée. Cette défaite intellectuelle a préparé les succès politiques de la gauche. Il reste deux années pour construire et proposer au pays une vision et un projet.