Depuis des années, nous sommes submergés de statistiques utilisées pour prouver que beaucoup de Français sont d’infâmes racistes, qui portent sur certaines ethnies, du fait de leurs préjugés, un regard abusivement sévère.
Récemment, le ministère du travail a jugé bon de jeter un peu d’huile sur ce feu en faisant réaliser une étude qui, selon Le monde du 14 décembre, « révèle les inégalités de traitement selon les origines lors de la recherche d’emploi ». Le journal Les Echos est même encore plus catégorique, titrant : « Les Maghrébins victimes de discrimination à l’embauche ».
Ce test – pardon, cette « campagne de testing » – a consisté à envoyer de fausses candidatures à 40 grandes entreprises (plus de 1 000 salariés chacune) publiant de nombreuses offres d’emploi. Chaque profil de candidat donnait lieu à deux candidatures, ne différant quasiment que par le nom de la personne censée postuler : dans un cas le patronyme était français, et dans l’autre maghrébin. Sur les 1 500 paires de candidatures expédiées, chacune comportant un CV français et un CV maghrébin, le tiers n’a reçu aucune réponse ; 11 % d’entre elles ont fait l’objet d’un double refus ; Dans 27 % des cas, les deux candidats supposés ont été contactés de manière identique. Dans 20 % des cas, « le recruteur a favorisé la candidature hexagonale », et dans 9 % des cas la candidature maghrébine. L’expression « a favorisé telle candidature » semble vouloir dire que ce candidat virtuel a reçu une proposition d’entretien, à la différence de son double au nom différent.
Cette opération n’était pas purement scientifique : selon une déclaration du ministère du travail, citée entre guillemets par Le monde, « toutes les entreprises testées ont été reçues. Les bons élèves comme les mauvaises. De ces dernières on attend un plan d’action permettant de pallier leurs défaillances. » Les Echos précisent davantage le caractère disciplinaire de l’opération : « Les 12 entreprises pointées du doigt se sont vue octroyer une seconde chance, en soumettant un plan d’action correctif d’ici à fin janvier. Gare à celles dont les efforts seront jugés insuffisants, car leurs noms seront rendus publics. »
Il y a un certain temps que les instituteurs ne mettent plus les mauvais élèves au coin avec un bonnet d’âne, mais voici que cette façon de faire a été remise à l’ordre du jour pour les entreprises. La presse n’indique malheureusement pas si les entreprises qui ont favorisé des pseudo-candidatures maghrébines ont été mises au piquet comme celles qui ont donné la préférence à des pseudo-candidatures françaises.
Les journalistes dont j’ai lu la prose se sont également abstenus de poser quelques questions simples. Premièrement, qu’est-ce qui a influencé le choix de répondre positivement à l’un seulement des deux candidats ? Il se peut que des recruteurs, face à l’abondance des réponses suscitées, soient amenés à ne pas convoquer tous les « bons » candidats, gardant « sous le coude » les CV d’un certain nombre d’entre eux pour le cas où les premiers entretiens ne donneraient rien. Naturellement, ce premier tri, provisoire, est effectué avec un souci d’efficacité. Un des problèmes du recruteur est de dépister les CV « gonflés », qui ne sont hélas pas rares. Si le dit recruteur a observé, les mois et les années précédentes, que les CV français étaient en moyenne plus fiables que les CV maghrébins, commencer par les premiers est tout simplement une question de productivité dans son travail.
Ce type de comportement s’observe pour bien d’autres facteurs. Tel recruteur ayant observé que les ingénieurs sortis de l’école A s’intègrent en moyenne plus facilement à l’équipe que ceux issus de l’école B, considérée comme étant d’un niveau équivalent, va probablement recevoir les candidats A avant les candidats B. Faut-il pour autant monter sur ses grands chevaux et crier à la discrimination ? On ne peut pas raisonnablement reprocher à un professionnel de choisir la solution qui, dans l’état de ses connaissances et de son expérience, lui paraît être probablement la meilleure pour son entreprise.
Enfin, reste la question de la préférence nationale. Celle-ci doit-elle être considérée comme un délit ? Nos voisins Suisses se sont, par référendum, prononcés en faveur d’un quota d’étrangers. Un projet de loi, en retrait par rapport à cette volonté populaire, prévoit du moins que « dans certaines branches professionnelles, en cas de chômage élevé, les employeurs devront appliquer la préférence nationale » (Le Figaro du 17 décembre 2016). Si une entreprise française trouve patriotique cette façon de voir les choses, n’importe quel citoyen est en droit de le regretter, mais aucun, et surtout pas un ministre appartenant à une équipe gouvernementale incapable de créer des conditions réellement favorables à la création d’emplois assez nombreux, ne devrait avoir le mauvais goût de lui faire la leçon.