Alors que l’universalité des prestations familiales a déjà été remise en cause, la perspective de moduler les remboursements de santé selon les revenus menace à son tour l’un des fondements de notre pacte républicain. Derrière ces ajustements budgétaires se cache une dangereuse remise en cause de l’unité nationale.
« Rompre avec l’universalité, c’est briser la République »

Un héritage gaullien en péril
Le modèle social français ne s’est pas construit sur le hasard ou l’improvisation. Il est le fruit d’une ambition républicaine portée, au sortir de la guerre, par le Conseil national de la Résistance — et prolongée avec hauteur de vue par le général de Gaulle. Cette ambition reposait sur un socle clair : l’universalité des droits sociaux. Allocations familiales, sécurité sociale, accès aux soins… Chaque Français, quels que soient ses revenus, y avait droit, non par charité, mais au nom d’une solidarité nationale assumée.
C’est cette universalité que l’on est en train de déconstruire, morceau par morceau.
La logique comptable contre l’esprit républicain
On a d’abord supprimé le caractère universel des prestations familiales. Désormais, selon ce que vous gagnez, vous avez ou non droit à ces aides — comme si la contribution à la natalité ou à la stabilité familiale était une affaire de quotas. Aujourd’hui, le gouvernement prépare une nouvelle étape : remettre en question l’universalité des remboursements de santé, et basculer vers un système à deux vitesses où seuls les plus modestes auraient droit à une couverture intégrale.
Ces mesures, prises au nom d’un réalisme budgétaire, relèvent en réalité d’une vision étriquée, technocratique et dangereusement court-termiste. Car on ne réforme pas un modèle de civilisation avec une calculette.
La cohésion nationale ne se découpe pas en tranches
L’universalité, ce n’est pas l’égalitarisme. C’est la condition même d’une solidarité acceptée et durable. Si chacun peut bénéficier d’un système, alors chacun est prêt à y contribuer. C’est ce lien de confiance entre l’État et les citoyens que l’on est en train de rompre. En segmentant les droits, en opposant les classes moyennes aux plus modestes, on fragilise ce qui faisait la force de notre modèle : sa capacité à unir, pas à diviser.
Le général de Gaulle voyait dans le social un pilier de la grandeur nationale, pas une variable d’ajustement. Il savait que la France ne peut être forte que si elle est unie — et que l’unité se forge aussi dans la justice sociale.
Refuser la fatalité du déclin
Alors que notre pays traverse une crise profonde de confiance, de repères, et d’identité collective, la dernière chose à faire est de saper les piliers qui nous rassemblent. Réformer, oui. Démolir, non. La République mérite mieux qu’un désossage méthodique de ce qui fait encore nation.
À ceux qui croient pouvoir jouer les apprentis sorciers en cédant à la logique comptable, je veux rappeler ceci : on ne gouverne pas un peuple avec des fichiers Excel. On le gouverne avec une vision, une colonne vertébrale, une certaine idée de la France.