Education nationale : Elisabeth Borne met en place un test de forme physique dès la 6e

Un test de forme physique obligatoire à l’entrée en sixième : derrière ce choix ministériel, une volonté assumée de faire de l’école le lieu central de la lutte contre la sédentarité.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 4 avril 2025 à 9h22
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Le 3 avril 2025, la ministre Élisabeth Borne a confirmé la généralisation à la rentrée prochaine de tests de forme physique pour tous les élèves de sixième. Trois épreuves ciblées, conçues pour mesurer les capacités motrices fondamentales, seront mises en œuvre dans l’ensemble des collèges.

Quand le politique s’empare du corps : un test de forme physique au service d’un agenda gouvernemental

Le cadrage de cette mesure ne laisse guère de place au doute. Si le ministère évoque un simple outil d’« accompagnement », il s’agit aussi d’un signal clair envoyé par l’exécutif : l’école doit devenir un levier actif de lutte contre la sédentarité. Ce discours est cohérent avec les annonces formulées dès 2023 par Emmanuel Macron, qui, lors d’un déplacement dans les Pyrénées-Atlantiques, affirmait que « la jeunesse française est en recul physique, et c’est une urgence nationale ». Ce choix de positionner le collège comme terrain d’action vient donc prolonger un axe stratégique où l’éducation physique cesse d’être périphérique pour devenir centrale.

Loin d’être un simple ajout logistique, la généralisation du test traduit un changement de paradigme. En évaluant dès la sixième l’endurance, la force musculaire et la vitesse de chaque élève, l’institution introduit un langage de la performance physique dans une séquence traditionnellement réservée à l’observation scolaire. Les résultats obtenus ne sont pas transmis sous forme de notes, mais ils nourrissent une base de données nationale sur la condition physique des jeunes. L’ambition n’est donc pas uniquement pédagogique ; elle est aussi statistique, politique, et potentiellement prescriptive.

Entre santé publique et encadrement scolaire : une politique du corps assumée

Les chiffres invoqués pour justifier cette mesure sont connus. En France, 73 % des adolescents ne respecteraient pas les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé en matière d’activité physique. Dans le même temps, 17 % des jeunes de 6 à 17 ans sont en surpoids, et 4 % en situation d’obésité. Ces données alimentent une rhétorique d’alerte sanitaire où le test apparaît comme un outil de diagnostic global, permettant à l’école d’agir en prévention.

Mais cette opération n’est pas isolée. Elle s’articule avec d’autres mesures prises ces dernières années, comme la généralisation des 30 minutes d’activité physique quotidienne en primaire, l’ouverture des installations sportives aux associations ou la refonte des programmes d’éducation physique. Autant d’éléments qui indiquent que la politique éducative actuelle opère un glissement : de la transmission de savoirs à la prise en charge de la santé publique, avec le corps de l’élève comme point d’entrée.

Évaluer, observer, comparer : que mesure-t-on vraiment ?

Les trois épreuves prévues à la rentrée 2025 (test d’endurance progressif (Luc Léger), saut en longueur sans élan, sprint de 30 mètres)  sont conçues pour être reproductibles, objectives, et facilement administrables par les enseignants d’EPS. Elles s’appuient sur des protocoles normalisés, permettant d’obtenir une cartographie assez fine des capacités physiques de chaque élève. Mais ces capacités, par définition, ne sont pas équivalentes d’un individu à l’autre. Et c’est précisément là que le débat s’ouvre.

Doit-on s’étonner que tous les élèves n’obtiennent pas les mêmes résultats ? La réponse est non. Le sport est intrinsèquement différenciant. Il repose sur la réalité biologique de chacun, sur les inégalités naturelles et les facteurs environnementaux. Ce n’est donc pas une anomalie si certains enfants courent plus vite, sautent plus loin, ou montrent une meilleure endurance. C’est le principe même de l’exercice physique.

Discriminant ou discriminatoire ? La frontière politique du test physique

Les résultats de l’expérimentation menée en septembre 2024 sur 4 000 élèves sont sans équivoque : seuls 19 % des élèves testés atteignent un niveau considéré comme satisfaisant. À l’autre extrémité, 4 % sont repérés comme en difficulté physique. Les écarts sont également marqués selon l’origine sociale. Les élèves issus de milieux défavorisés réussissent moins bien aux épreuves de force, d’endurance ou de vitesse. De même, les filles affichent des performances globalement inférieures à celles des garçons.

Ces constats, bien que prévisibles, suscitent une gêne. Certains syndicats, comme le SNALC, dénoncent un risque de stigmatisation. D’autres s’inquiètent d’un retour à une culture de la performance sportive, perçue comme brutale ou anxiogène. Pourtant, ces écarts ne sont ni nouveaux ni spécifiques à ce test. Ils existent dans les cours d’EPS depuis toujours. La différence, c’est qu’ils sont ici formalisés, documentés, et potentiellement utilisés à des fins d’orientation ou de suivi.

La véritable question politique n’est donc pas de savoir si le sport est discriminant mais s’il est légitime de considérer cette réalité comme une source d’information pertinente dans le parcours scolaire. Une école qui s’autorise à constater que certains élèves ont besoin d’un accompagnement physique, au même titre que d’un accompagnement pédagogique, ne franchit pas nécessairement une ligne rouge.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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