L’Union européenne enclenche une nouvelle offensive commerciale contre la Russie. Cette fois, c’est l’agriculture qui est en ligne de mire. Engrais azotés, phosphates et autres fertilisants pourraient bientôt voir leurs prix exploser à l’importation. Pourquoi ce durcissement soudain ?
Agriculture : l’Europe va enfin s’attaquer aux engrais russes
Engrais russes : une dépendance européenne à double tranchant
L’Union européenne importe encore massivement des engrais russes et biélorusses. En 2024, près d’un quart des fertilisants achetés par les pays membres provenaient de Russie, faisant de cette dernière un fournisseur incontournable. Si l’UE a jusqu’ici épargné ces produits de ses sanctions, elle semble désormais déterminée à inverser la tendance.
Pourquoi un tel revirement ? Selon la Commission européenne, ces importations représentent un risque pour la sécurité alimentaire de l’UE. Elles rendent les États membres vulnérables aux mesures coercitives de Moscou et participent indirectement au financement de la guerre en Ukraine. Un constat partagé par Fertilizers Europe, qui rappelle que la Russie a mis en place une taxe sur ses exportations d’engrais, générant 600 millions d’euros pour le Kremlin en 2023.
Jusqu'à présent soumis à un modeste droit de douane de 6,5 %, les engrais azotés en provenance de Russie et de Biélorussie verront bientôt leurs tarifs exploser. La Commission propose une taxe additionnelle de 40 €/tonne dès juillet 2025, avec une hausse progressive jusqu’à atteindre 315 €/tonne en 2028.
Pour les engrais mixtes contenant de l’azote, la taxe commencera à 45 €/tonne, puis montera jusqu’à 430 €/tonne trois ans plus tard. Ces droits de douane représenteront ainsi près de 100 % du prix des produits importés, rendant ces engrais nettement moins compétitifs sur le marché européen.
L’objectif ? Réduire la dépendance de l’Europe à ces importations tout en favorisant la production locale. Une stratégie qui pourrait cependant peser sur le portefeuille des agriculteurs. La Commission européenne assure prévoir des mécanismes de compensation pour éviter une flambée des prix, mais les détails restent flous.
Des producteurs européens en difficulté
L’argument de Bruxelles est clair : il s’agit de rétablir un équilibre sur le marché. Les industriels européens des engrais ont subi de plein fouet la flambée des coûts énergétiques, notamment du gaz naturel, qui représente 80 % du coût de production de l’ammoniac, composant clé des engrais azotés.
Pendant ce temps, les producteurs russes bénéficient de tarifs avantageux sur le gaz, leur permettant de vendre leurs fertilisants à des prix cassés. Résultat : entre 2020 et 2024, les importations européennes d’engrais russes ont bondi de 117 % ! Un phénomène qui a contraint certains industriels français à réduire leur activité, mettant en péril plusieurs centaines d’emplois.
Avec ces nouvelles taxes, Bruxelles espère relancer la production locale et diversifier les fournisseurs. L’UE s’oriente déjà vers des alternatives comme le Canada, les États-Unis, le Kazakhstan ou encore l’Égypte.
Si les industriels européens se réjouissent de voir leur compétitivité renforcée, les agriculteurs redoutent une envolée des prix. Une augmentation trop brutale du coût des engrais pourrait fragiliser certaines exploitations déjà sous pression.
L’Europe doit-elle s’attendre à une hausse des prix des denrées alimentaires ? Tout dépendra des mesures d’accompagnement promises par la Commission.