La proposition d’instaurer une entrée payante pour la visite touristique de la cathédrale Notre-Dame de Paris, récemment avancée par Rachida Dati, soulève un débat au sein de l’opinion publique française et des responsables politiques. Cette suggestion intervient à l’approche de la réouverture de la cathédrale, prévue pour le 8 décembre 2024, et vise à canaliser les fonds nécessaires à la conservation de l’édifice tout en contribuant plus largement au financement du patrimoine religieux national.
5 euros pour entrer dans Notre-Dame de Paris : une fausse bonne idée ?
Faire payer l'entrée de Notre-Dame pour la préservation du patrimoine religieux
Dans un entretien avec Le Figaro, Rachida Dati précise une proposition qui fait couler beaucoup d'encre : « J’ai proposé […] un tarif symbolique pour toutes les visites touristiques de Notre-Dame et consacrer totalement cet argent à un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux. » Elle avance la somme de 5 euros pour les visiteurs non-croyants. Rachida Dati fait également remarquer que de nombreux sites religieux en Europe exigent des droits d'entrée pour financer leur entretien, ce qui a de quoi surprendre. L'entrée dans les églises n'est pour ainsi dire jamais payante, à l'exception de certains lieux comme la Sainte-Chapelle, qui n'a aujourd'hui plus rien du lieu de culte, et tout du musée.
Ariel Weil, le maire de Paris Centre, où se trouve Notre-Dame de Paris, a réagi à cette annonce en exprimant son scepticisme quant à l’efficacité d’une taxe imposée. Pour Ariel Weil, la solution serait plutôt une « contribution volontaire avec un prix suggéré » semblable à ce qui est pratiqué dans certains musées américains où un tarif est recommandé mais non obligatoire, permettant ainsi à chacun de contribuer en fonction de ses moyens. La solution est déjà plus applicable, d'autant qu'il existe déjà des troncs dans les églises, bien que ces derniers soient peu remplis.
Entrée payante à Notre-Dame : une proposition loin de faire l'unanimité
La perspective de rendre l'entrée payante pour les visites non-cultuelles a rapidement provoqué une vague de réactions. Du côté des responsables religieux, le diocèse de Paris rappelle l'importance du principe de gratuité dans les églises. Cette politique de portes ouvertes vise à accueillir tout le monde sans distinction de croyance ou de moyens financiers, soulignant le caractère universel des églises comme lieux de recueillement et d'accès à l’art sacré. Dans un communiqué, le diocèse insiste sur le fait qu’un tarif fixe contraindrait probablement certains visiteurs à renoncer à l’expérience, contrevenant ainsi à la mission inclusive des églises.
En parallèle, les personnalités politiques restent partagées. Si certains, comme Bruno Retailleau, voient dans cette proposition un moyen de préserver un patrimoine auquel les Français sont attachés, d’autres élus de gauche, notamment le maire Ariel Weil et le sénateur PS Rémi Féraud, dénoncent une mesure « mal pensée » qui pourrait dissuader les visiteurs tout en portant atteinte à l’esprit d’accueil des églises.
Comment différencier le touriste et le fidèle ?
L'idée d’une entrée payante pose également la question complexe de différencier les visiteurs venus pour des raisons touristiques et les croyants souhaitant accéder à l'édifice pour le culte. Les moyens de distinguer les intentions des visiteurs sont limités : faudrait-il présenter un chapelet, laisser son appareil photo à l’entrée, ou respecter un code vestimentaire spécifique pour entrer sans frais ? De plus, cette initiative pourrait engendrer une certaine discrimination fondée sur des critères physiques ou culturels, suscitant des inquiétudes quant à la gestion de l’accès libre dans un lieu de culte qui, historiquement, accueille tous types de personnes sans conditions préalables.
Enfin, cette mesure pourrait altérer la fonction même de Notre-Dame en tant qu’église. Longtemps perçues comme des « musées du pauvre », les églises offrent un accès gratuit à des trésors architecturaux et artistiques qui sont souvent inaccessibles dans d'autres cadres. Pour les croyants comme pour les simples visiteurs, les églises demeurent des espaces de tranquillité et de contemplation, un refuge où chacun peut se recueillir, voire amorcer un cheminement spirituel. La tarification risquerait de restreindre cet accès spontané, transformant Notre-Dame en un site touristique exclusif, au détriment de sa mission spirituelle et sociale.
Derrière la proposition de Rachida Dati, c'est la préservation des églises de France, souvent en piteux état, qui est en jeu. Alors que la loi de 1905 prévoit que l'Etat s'occupe de leur entretien, les fonds sont toujours difficiles à intégrer dans le budget. Pourtant, il ne s'agit guère que de trouver 75 millions d'euros, soit un peu plus de la moitié de ce que coûte l'Aide médicale d'Etat, présentée comme une dépense mineure par ses partisans.