Un scandale d’espionnage éclabousse l’administration française. Un fonctionnaire de Bercy et une employée de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) sont accusés d’avoir fourni des renseignements sensibles à l’Algérie.
Algérie : un fonctionnaire français soupçonné d’espionnage

Un fonctionnaire de Bercy et une agent de l’OFII dans la tourmente
Le 16 décembre 2024, un homme de 56 ans, employé au ministère de l’Économie et des Finances, soupçonné d'espionnage, est interpellé par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). L’accusation est grave : transmission de données sensibles aux services secrets algériens. Placé en examen le 19 décembre, il est poursuivi pour intelligence avec une puissance étrangère, collecte frauduleuse d’informations portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, et divulgation de secrets de défense nationale.
Mais il n’agit pas seul. Une employée de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), âgée de 46 ans, est elle aussi mise en examen le 7 février 2025. Entretenant une relation intime avec le fonctionnaire de Bercy, elle aurait utilisé son poste pour accéder à des dossiers confidentiels sur des demandeurs d’asile algériens, informations ensuite communiquées aux autorités.
Le stratagème était bien rodé. L’homme aurait transmis ces données sensibles à un agent algérien opérant sous couverture diplomatique au consulat, à Créteil. Selon l’enquête, les renseignements concernaient notamment des opposants politiques exilés en France, certains sous protection en raison de menaces du régime d’Abdelmadjid Tebboune.
L’Algérie espionne-t-elle ses opposants en France ?
Cette affaire rappelle une réalité dérangeante : le régime algérien ne tolère aucune contestation, y compris hors de ses frontières. La fuite d’informations aurait permis aux services algériens d’identifier des dissidents.
Parmi les individus surveillés figurent Amir Boukhors, également connu sous le nom de Mourad Dhina, blogueur et militant anti-régime, qui aurait été menacé d’enlèvement. Mohamed Larbi Zitout, ancien diplomate et opposant en exil, aurait lui aussi été particulièrement surveillé. D’autres journalistes et influenceurs algériens, critiques du pouvoir en place, se retrouvent dans le collimateur des services d’Alger et subiraient pressions et intimidations.
Ces éléments rappellent d’autres pratiques déjà dénoncées par des organisations de défense des droits humains : intimidations, enlèvements et exactions contre les opposants algériens exilés.
Face à la suspicion d'espionnage, la France entre colère et embarras
L’arrestation du fonctionnaire de Bercy et de son acolyte de l’OFII a provoqué une onde de choc au sein des institutions. Le ministre de l’Intérieur a immédiatement dénoncé un acte de trahison intolérable et a exigé un renforcement des contrôles internes. Bercy a suspendu l’agent mis en cause et annoncé une révision stricte des accès aux bases de données sensibles. La justice, quant à elle, a lancé une enquête approfondie et surveille désormais d’autres fonctionnaires susceptibles d’être approchés par des puissances étrangères.
Cette affaire s’inscrit dans un climat diplomatique extrêmement tendu entre Paris et Alger. Depuis plusieurs mois, les tensions ne cessent de croître. Le gouvernement algérien refuse toujours de reprendre ses ressortissants sous Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), un blocage qui empêche l’expulsion de nombreux clandestins. Parallèlement, de nombreux influenceurs algériens, installés en France, propagent des discours virulents contre l’Hexagone, attisant un climat de défiance entre les deux pays. Enfin, l’incarcération arbitraire de l’écrivain Boualem Sansal, retenu en Algérie dans des conditions dénoncées comme indignes, a encore aggravé les tensions entre les deux États.
Le scandale d’espionnage vient s’ajouter à cette liste déjà longue de sujets de friction. D'autant qu'en coulisses, les autorités françaises redoutent que cette affaire ne soit qu’un exemple parmi d’autres d’ingérences algériennes sur le sol français.
Vers une crise diplomatique inévitable ?
Si Alger garde un silence absolu, le Quai d’Orsay envisage des représailles diplomatiques. Parmi les mesures évoquées :
- Expulsions de diplomates algériens suspectés d’activités de renseignement.
- Restriction de visas pour les responsables algériens.
- Renforcement du contrôle des accès aux données sensibles en France.
Mais la France peut-elle se permettre un conflit ouvert avec l’Algérie ? À l’heure où les relations sont déjà tendues sur les questions migratoires et énergétiques, la marge de manœuvre est limitée.