Alors que la Grèce vient de demander au FMI le report de ses échéances de remboursement au 30 juin, David Cameron tente pour sa part de convaincre les capitales européennes de réformer l’UE, avant la tenue du référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union promis pour 2017.
Les tensions sur des marchés déjà instables persistent et, devant les profondes difficultés des uns et les multiples remises en causes des autres, nombre d’observateurs annoncent aujourd’hui l’explosion de l’Europe.
Force est de constater que l’UE doit faire des choix difficiles : réforme du droit du travail, du système des retraites, restructuration de la dette publique… Si ces enjeux constituent les points de divergence entre la Grèce et ses créanciers, ils concernent également les autres pays de la zone euro. Il est donc impératif de restructurer cette dernière afin d’endiguer la montée de l’euroscepticisme. Il y a là une certaine urgence : accusée d’interférer à outrance dans les affaires de certains pays, jugée trop technocratique, trop éloignée de ses citoyens, l’Europe doit réagir face à la dynamique de défiance qui croît maintenant depuis de longs mois.
Mais réduire notre réflexion sur l’UE à ces seuls aspects économiques, pragmatiques, serait une grossière erreur. L’Europe c’est bien sûr une alliance économique, qui a facilité la hausse globale du niveau de vie des Européens, mais le projet va au-delà. L’Europe, c’est aussi la consécration de 70 ans de paix entre États qui n’avaient eu de cesse de se faire la guerre. L’Europe ce sont aussi des valeurs, telles que la démocratie ou les droits de l’Homme, valeurs partagées par de plus en plus d’États par le biais des élargissements successifs de l’UE. Dans un monde en perpétuel changement, où les États émergents prennent progressivement la place qui est la leur, l’Europe, c’est aussi le moyen pour les capitales européennes de maintenir leur place sur la scène internationale. Renforcer l’Europe n’est pas renier les spécificités de ses États. Au contraire, il s’agit de miser sur notre complémentarité, sur les marchés comme dans le cadre de l’Europe de la défense.
Nul ne souhaite ou n’a intérêt à ce que le Royaume-Uni quitte l’UE. Il est donc essentiel de discuter des demandes britanniques avant 2017. Néanmoins, il faut être clair sur ce qui est acceptable par les États membres : si certains aménagements sont possibles (garanties supplémentaires pour l’indépendance des systèmes judiciaires et législatifs nationaux), une réforme de l’UE ne peut pas être un retour en arrière. De la même manière, une sortie grecque de la zone euro n’est pas souhaitable, ni pour la Grèce, ni pour l’UE. Cela reviendrait à affirmer que l’euro n’est pas une monnaie durable et que l’Europe n’est pas un ensemble solidaire. Ce n’est pas le message que nous voulons envoyer.
Le projet de Robert Schumann et Jean Monnet n’excluait par ailleurs pas les crises : « _L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises_ » écrit Jean Monnet en 1976. À nous de trouver ces solutions. La crise actuelle doit nous inciter à repenser la gouvernance européenne, à refonder l’intégration économique. Il est temps d’instaurer une véritable industrie européenne, permise par un fonds d’investissement commun. Il est temps de nous donner les moyens d’une véritable autonomie stratégique de défense.
En somme, il s’agit de voir cette crise non comme l’annonce d’une l’explosion de l’Europe, mais bien comme l’opportunité de la renforcer durablement.