L’ex-président des Philippines bientôt jugé à la Haye pour crimes contre l’humanité

Rodrigo Duterte, l’ancien président des Philippines, a été arrêté ce mardi à l’aéroport international de Manille à son retour de Hong Kong. Accusé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) pour sa guerre sanglante contre la drogue, celui qui se vantait d’être un “tueur” est désormais sous les verrous.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 11 mars 2025 à 12h12
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ex-president-philippines-juge-crimes-humanite - © PolitiqueMatin

L’ancien président philippin a été interpellé par les autorités dès son arrivée à Manille, en vertu d’un mandat d’arrêt international émis par la CPI. Ayant exercé entre 2016 et 2022, il est accusé de crimes contre l’humanité en raison de sa guerre contre la drogue, qui aurait fait des milliers de morts.

Un mandat de la CPI pour crimes contre l’humanité aux Philippines

Rodrigo Duterte a été interpellé par Interpol et les forces de sécurité philippines dès son atterrissage à Manille. Cette arrestation fait suite à un mandat émis en février 2025 par la CPI, qui l’accuse de crimes contre l’humanité en raison de sa campagne de répression antidrogue menée entre 2016 et 2022. Dès son arrivée au pouvoir, l’ancien président philippin a donné carte blanche aux forces de l’ordre pour exécuter toute personne soupçonnée de trafic ou de consommation de drogue, menant à des exécutions extrajudiciaires massives.

Les chiffres concernant le nombre de victimes de cette politique varient considérablement. Officiellement, le gouvernement philippin reconnaît environ 6 200 morts dans le cadre des opérations policières menées sous Duterte. Toutefois, les ONG de défense des droits humains et la CPI estiment que ce bilan est largement sous-évalué et qu’il se situerait plutôt entre 12 000 et 30 000 morts. La majorité des victimes étaient des jeunes hommes issus de quartiers pauvres, souvent abattus sans preuve tangible de leur implication dans le trafic de drogue.

Une nation profondément divisée

L’annonce de l’arrestation de Rodrigo Duterte a provoqué une onde de choc aux Philippines. D’un côté, les organisations de défense des droits humains et les familles des victimes se réjouissent de cette avancée judiciaire qu’elles attendent depuis des années. Pour elles, il s’agit d’un premier pas vers la justice et la reconnaissance des exactions commises sous l’administration Duterte. L’association Rise Up for Life, qui regroupe les familles des victimes de la guerre contre la drogue, a immédiatement réclamé son transfert à La Haye afin qu’il réponde de ses actes devant la CPI.

À l’inverse, des milliers de partisans de Duterte sont descendus dans les rues de Davao City, son bastion historique, pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une manipulation politique orchestrée par des puissances étrangères. Pour eux, l’ancien président a su restaurer l’ordre et lutter efficacement contre le trafic de drogue, une plaie qui gangrène le pays depuis des décennies. Plusieurs figures politiques proches de Duterte dénoncent une instrumentalisation de la CPI visant à humilier leur camp et à affaiblir la droite autoritaire aux Philippines.

Marcos Jr. face à un dilemme explosif

Le président Ferdinand Marcos Jr. se retrouve désormais confronté à un choix hautement stratégique. S’il décide d’extrader Duterte vers la CPI, il enverrait un message fort en faveur de la coopération avec la justice internationale, ce qui pourrait améliorer l’image des Philippines sur la scène mondiale. Cette décision serait également bien perçue par l’Union européenne et les États-Unis, qui soutiennent la CPI. Toutefois, une telle mesure risque de provoquer une crise politique interne et de radicaliser encore plus les partisans de Duterte.

À l’inverse, Marcos Jr. pourrait choisir de faire juger Duterte aux Philippines afin de préserver la stabilité du pays et de contenir les tensions. Un procès local permettrait de montrer une certaine volonté de justice sans pour autant céder aux pressions internationales.

Un autre scénario, bien plus controversé, serait que Duterte soit libéré sous pression politique. Cette issue fragiliserait la crédibilité des Philippines en matière de respect des droits humains. Une telle décision renforcerait également le camp Duterte, qui pourrait se poser en martyr d’un complot étranger et relancer ses ambitions politiques.

Des réactions internationales contrastées

L’arrestation de Rodrigo Duterte a suscité des réactions très diverses à l’international. Du côté des puissances occidentales, l’Union européenne et les États-Unis ont immédiatement salué cette action comme une avancée majeure pour la justice internationale. Le Canada et l’Australie ont également appelé le gouvernement philippin à extrader Duterte sans délai afin qu’il soit jugé par la CPI.

En revanche, plusieurs pays, notamment la Chine et la Russie, ont vivement critiqué cette arrestation. Pékin estime que la CPI agit de manière sélective et politisée, visant principalement des dirigeants de pays en développement tandis que d’autres crimes de guerre commis par de grandes puissances restent impunis. Moscou partage cette position et considère que cette affaire porte atteinte à la souveraineté des Philippines.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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