Tel semble pouvoir être la surprenante synthèse de la conférence de presse organisée ce jour par François Fillon. Elle en résume aussi le paradoxe insurmontable. S'excuser de n'avoir commis aucune illégalité. Comment le candidat à l'élection présidentielle a t il pu envisager un seul instant convaincre l'opinion publique française avec une conférence de presse si confusante dans sa substance initiale ?
Beaucoup de commentateurs auront cru bon de taper sur les communicants qui entourent François Fillon et sur une professionnelle aussi compétente qu'expérimentée: Anne Méaux et l'agence Image7 qu'elle a fondé et dirige. C'est évidemment à la fois un bouc-émissaire et un exutoire facile... trop d'ailleurs. Les communicants de crise sont des avocats médiatiques et comme tous les avocats le redoutent et le savent, nos clients peuvent nous mentir. Par calcul (idiot), par peur ou par honte qui sait ... par méconnaissance surtout parce que notre rôle c'est de conseiller et défendre de toutes nos forces notre client sans jamais le juger.
Le rôle d'un communicant de crise est d'intervenir alors que la maison brûle. La communication de crise est un exercice très difficile. La communication politique de crise l'est au moins tout autant, surtout lorsque cela touche un domaine aussi symbolique pour les Français que l'argent. L'argent, surtout l'argent du contribuable, est un sujet politique qui a fait chuter ces dernières années de nombreuses personnalités politiques.
Malgré cela, François Fillon n'a pas semblé voir venir la crise politique naissante. Pourtant, dés l'information donné par le Canard enchaîné qu'un article sur sa situation allait sortir, un dispositif de riposte médiatique aurait du se mettre en place pour constituer un bouclier de protection de l'image du candidat.
François Fillon s'est enfermé dans des éléments de langage insusceptibles de convaincre qui que ce soit. Criant au complot. Répétant en boucle qu'il avait « scrupuleusement respectées » toutes les règles de droit ensuite. Attaquant enfin les médias, la gauche, le parquet national financier sans que cela ne soit en capacité de servir ses intérêts médiatiques. Sans laisser paraître d'inquiétude. Ni regrets, ce qui est très surprenant. Sans prendre non plus la moindre décision de remboursement par exemple. Son entourage même le défendant maladroitement dans tous les médias.
François Fillon aurait du immédiatement déployé la transparence attendue par tous les Français sur les faits révélés par les médias. Il a préféré miser sur l'empathie et la mise en scène des sentiments à l'égard de sa femme. Sa défense ne marchait dés lors plus que sur un pied. Autant dire que pour celui qui venait d'entamer un marathon médiatique, l'avenir s'annonçait particulièrement hasardeux.
François Fillon a semblé finir par comprendre, l'ampleur de la crise qu'il traversait. Annonçant une "nouvelle campagne", il a organisé ce jour une conférence de presse tentant de mettre un terme à cette affaire dite du penelopegate. Présentant des excuses, reconnaissant une erreur mais aucune illégalité, il est resté prisonnier d'une stratégie de défense basée sur le complot dont il n'a pas réussi à se défaire. Le "système" lui en veut. C'est évidemment un peu court pour mettre fin à une telle crise qui l'a fragilisé au point que son propre camp s'est demandé s'il ne convenait pas de le remplacer pour mener la campagne présidentielle. Il n'a pas réussi à reprendre le tempo médiatique ni à déplacer le sujet sur un autre terrain. Au contraire, quelques minutes seulement après la conférence de presse, des révélations sur un appel d'une journaliste ayant interrogé sa femme venaient contredire les affirmations du candidat les républicains.
Quoiqu'il arrive tout cela vient bien tard. C'est le jour même des révélations du canard enchainé qu'il aurait fallu tout mettre en oeuvre afin de contrôler l'interprétation médiatique des révélations de l'hebdo satirique. Il fallait dédramatiser au lieu de dramatiser les enjeux en optant pour le format du 20 heures de TF1. Matignon entend assumer la démonstration de force. Cette configuration médiatique de l'offensive organisée de François Fillon n'offrait rien d'autre qu'un candidat tentant maladroitement de répondre aux accusations au lieu de livrer un récit permettant aux Français de s'approprier son histoire.
Faire acte de contrition était attendu. Cela ne parait pas aujourd'hui suffisant pour faire face à la vague médiatique qui submerge le candidat et le feuilletonnage à laquelle il a donné naissance par mépris des évènements et un manque évident de préparation et d'anticipation.
Le péché originel de François Fillon aura sans doute été de s'être cru insubmersible. En ne voulant pas se voir chuter, il se sera aussi terriblement que tragiquement fragilisé. Ce n'est pas sans me conduire à méditer la phrase de l'Empereur Marc-Aurèle "Qu’il est aisé de repousser et d’abandonner toute pensée déplaisante ou impropre, et d’être aussitôt dans un calme parfait".