L’intérêt de la victoire large de François Fillon est d’offrir, enfin! un espace politique clair et légitime à un programme pré-impérial, frappé d’un bonapartisme ambitieux. On l’attendait depuis longtemps, et enfin il arrive.
Un programme pré-impérial parce que souverainiste
François Fillon a fait campagne, en son temps, contre le traité de Maastricht. Le discours qu’il a prononcé vendredi dernier se situe dans la droite ligne de ce combat: faire de la France, dans les 10 ans, le première puissance européenne. Redevenir la cinquième puissance mondiale (derrière les Etats-Unis, la Chine, le Japon, mais qui sera le quatrième?). Ces idées simples, mobilisatrices sont la base d’une puissance française renouvelée.
Quelque chose n’est pas dit, dans ce programme: la relation avec l’Allemagne. Fillon a la prudence de ne pas en parler, de ne pas abattre ses cartes tout de suite. Cette prudence tient aussi à une logique diplomatique: il s’agit, ici, de laisser l’Allemagne sortir du bois avant de prendre une option.
Mais il ne faudra pas gratter longtemps pour comprendre que, dans l’esprit de Fillon, le relèvement du pays est antagoniste au développement de l’Allemagne. Cette affaire existait déjà il y a deux mille ans. La France ne retrouvera sa grandeur qu’en assumant sa souveraineté.
Une autre vision de l’Europe
L’Europe, Fillon fait avec. Mais il porte un puissant projet de rééquilibrage face à l’Allemagne, par une alliance discrète avec la Russie. Là encore, le bon sens triomphe. Depuis 40 ans, la France s’abaisse. Depuis 40 ans, les élites françaises n’ont qu’un mot à la bouche: le couple franco-allemand comme seule planche de salut.
Quelle erreur dramatique! quelle catastrophe pour notre pays! Car le prix de l’alliance avec une Allemagne rattachée à la Prusse depuis 1991 est extrêmement élevé. L’Allemagne a instrumentalisé le marché unique pour javelliser la concurrence industrielle de ses voisins et pour devenir la seule puissance exportatrice de l’Union. Subrepticement, l’Union Européenne s’est transformée en Lebensraum germanocentré. Tous les pays de l’Union se sont transformés, sans qu’on ne s’en aperçoive clairement, en d’immenses ruches où les abeilles butinent pour le compte d’une seule reine: l’Allemagne.
Un retour à la politique gaulliste de rééquilibrages des relations internationales par une relation privilégiée avec la Russie, mais aussi avec nos alliés arabes historiques, est salutaire.
La France, horizon indépassable d’un projet européen humaniste
En filigrane de ce projet, c’est évidemment la conception même de l’Europe qui est en jeu.
Par une bizarrerie des préjugés, l’élite parisienne oppose la souveraineté française et la construction européenne. C’est absurde! Le seul projet européen viable qui ait existé dans l’histoire, est celui d’une inclusion plus ou moins directe de l’Europe dans la souveraineté française.
La relance de l’Europe ne peut passer que par un épisode narcissique français. Nous devons nous aimer et assumer notre rayonnement sur le continent. Nous devons retrouver nos territoires naturels historiques. Rappelons que l’extension naturelle de la Gaule, c’est le Rhin, sur tout son parcours, ce qui inclut une bonne part de l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, et une bonne part de la Hollande.
Ce sont nos frontières de 1814 que nous devons retrouver plus ou moins directement.
Projet impérial ou pré-impérial?
Reste à savoir jusqu’où François Fillon peut aller dans le déploiement de ce projet continental.
En l’état, malgré sa large victoire, François Fillon n’a pas tranché un certain nombre d’ambiguïtés. Il n’a par exemple pas pris position sur la zone euro, sur la stratégie monétaire européenne, ou alors ses prises de position sont restées incertaines. En ce sens, François Fillon devra composer avec des soutiens qui sont probablement moins avancés que lui sur ces questions, ou qui se montreront plus incertains.
Pour passer les caps nécessaires, François Fillon aura besoin de renouveler en profondeur les élites de gouvernement, pour favoriser l’avénement de décideurs plus enclins à formuler un autre projet continental.
La campagne constituera un bon test
À quelle vitesse François Fillon parviendra-t-il à recomposer les élites? La campagne des présidentielles sera un bon test. Soit François Fillon reste avec ses équipes actuelles, et on peut se faire du souci. Soit il décide de recomposer son entourage, et le meilleur est imaginable.
Article écrit par Eric Veraheghe pour son blog