Le projet de loi sur la fin de vie, attendu depuis des mois, ne fait plus l’unanimité qu’on lui prêtait. Emmanuel Macron pensait ouvrir la voie à un consensus, mais entre la pression des partisans de l’euthanasie et la fronde de nombreux soignants et associations, l’exécutif navigue désormais en eaux troubles.
Fin de vie, euthanasie : le gouvernement en plein dilemme

Le 26 février 2025, le gouvernement a confirmé ce que beaucoup pressentaient : le projet de loi sur la fin de vie sera scindé en deux textes distincts. Cette annonce, portée par Emmanuel Macron, répond à une réalité politique et sociale plus complexe qu’anticipé. Si la question des soins palliatifs semble faire consensus, celle de l’euthanasie divise profondément les députés, les professionnels de santé et l’opinion publique.
Pourquoi deux textes distincts ? Un gouvernement contraint de revoir sa copie
Initialement, l'exécutif prévoyait un texte unique englobant à la fois le renforcement des soins palliatifs et l’introduction d’une aide active à mourir. Mais face aux vives réactions, le projet a été scindé. Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et proche du chef de l'État, a justifié cette séparation : « Il faut pouvoir scinder les deux textes pour plus de clarté ». Cette approche vise à apaiser les oppositions, notamment celles des parlementaires réticents à l’euthanasie.
Le Premier ministre François Bayrou a également insisté sur ce point, rappelant que « les soins palliatifs sont une question de moyens, tandis que l’aide active à mourir relève d’un choix de société fondamental ». Cette scission est aussi un aveu des difficultés rencontrées par Emmanuel Macron. Pensant que la France était prête pour une législation sur l’euthanasie, il a dû se confronter à une réalité bien différente : une opposition massive de soignants et des inquiétudes d’une partie de la population.
Des soignants en colère : le cri d’alarme de 800 000 professionnels
L'une des résistances majeures vient du corps médical. Le collectif Soulager mais pas tuer, qui regroupe plusieurs associations et personnalités médicales, dénonce un risque majeur pour les personnes les plus vulnérables. Dans une tribune publiée dans Le Figaro le 16 février 2023, treize organisations représentant 800 000 soignants ont signé un texte refusant catégoriquement d’être impliquées dans une « aide active à mourir ». Ils y expliquent que leur métier est « incompatible avec la pratique d’une mort médicalement administrée » et dénoncent un « glissement éthique majeur ».
L'un des signataires, un médecin en soins palliatifs, prévient : « Si cette loi passe, nous serons contraints de choisir entre notre conscience et notre métier ». Un argument que les défenseurs du projet contestent en mettant en avant la clause de conscience qui permettrait aux praticiens de refuser d’administrer une euthanasie.
Un débat politique explosif : entre dissensions et calculs électoraux
Le débat à l’Assemblée nationale s’annonce tendu. Si certains députés de la majorité présidentielle soutiennent pleinement la légalisation de l’euthanasie, d’autres y sont farouchement opposés. La gauche, notamment La France Insoumise et une partie du Parti socialiste, milite activement pour l’instauration d’un droit à mourir dans la dignité, estimant que « la France accuse un retard sur ses voisins européens ». À l’inverse, Les Républicains et le Rassemblement national dénoncent une « dérive sociétale dangereuse » et s’inquiètent des conséquences pour les personnes âgées et les plus fragiles.
Même au sein du gouvernement, des divergences existent. La ministre Astrid Panosyan-Bouvet a publiquement suggéré d’organiser un référendum, estimant que « cette question est tellement intime qu’elle mérite d’être tranchée par le peuple ». Une proposition qui met l’exécutif dans l’embarras.
Quelle suite pour le projet de loi euthanasie ?
Les deux textes seront examinés à l’Assemblée nationale à partir de mai 2025.
Calendrier prévisionnel du projet de loi sur la fin de vie
Étape | Date prévue |
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Présentation en Conseil des ministres | Mars 2025 |
Débats à l’Assemblée nationale | Mai 2025 |
Vote des deux textes | Fin mai 2025 |
Examen au Sénat | Été 2025 |
Promulgation (si validé par le Sénat) | Automne 2025 |
Le gouvernement espère un vote rapide, mais les débats pourraient ralentir le processus. Si le Sénat, à majorité conservatrice, bloque le texte sur l’aide active à mourir, le gouvernement pourrait être contraint de revoir sa stratégie.