Des heures longues, des nuits courtes, des obligations scolaires effacées : dans ce pays, les lignes bougent, et pas dans le sens attendu. Un texte enflamme les débats tandis que les défenseurs des droits des enfants dénoncent un retour aux pratiques d’un autre siècle.
Ce pays pourrait légaliser le travail de nuit dès 14 ans

Le 26 mars 2025, le projet de loi SB 918 franchit un cap décisif
Le 26 mars 2025, une commission sénatoriale de Floride a validé en première lecture le projet de loi SB 918, visant à démanteler plusieurs garde-fous encadrant le travail des mineurs. Cette proposition bouleverse les restrictions imposées aux adolescents de 14 à 17 ans, au nom d’une prétendue flexibilité... mais à quel prix ?
Travail des mineurs : des nuits sans sommeil autorisées en pleine semaine scolaire
Le texte législatif SB 918 prévoit la suppression de l’interdiction actuelle qui empêche les mineurs de 16 et 17 ans de travailler au-delà de 23h ou avant 6h30 les jours d’école. Il lève également la limite des 30 heures hebdomadaires et autorise une journée de plus de huit heures sans pause obligatoire, en dérogeant aux lois de régulation actuelles.
Les 14-15 ans ne sont pas épargnés : ceux ayant terminé le lycée, suivant une scolarisation virtuelle ou bénéficiant d’une exemption administrative, pourraient eux aussi se voir assigner des postes de nuit.
La suppression de l'obligation de pause déjeuner pour les jeunes de 16-17 ans constitue un autre point de friction majeur : la loi actuelle impose une pause de 30 minutes toutes les quatre heures. SB 918 l’éliminerait. « Ce projet de loi va conduire à l'exploitation des mineurs, à l'exploitation des enfants », explique Carlos Guillermo Smith, sénateur démocrate cité par CBS News.
Derrière la loi, une stratégie migratoire et économique ?
Le climat n’est pas anodin. La loi intervient dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, amplifiée par la répression contre l’emploi de travailleurs sans papiers. Le gouverneur Ron DeSantis, lors d’un panel public, a justifié l’orientation en ces termes : « Et qu’y a-t-il de mal à ce que nos jeunes travaillent à temps partiel ? C’est ce qu’on faisait quand j’étais jeune ».
Cette déclaration, présentée comme un simple retour à des valeurs « anciennes », masque une volonté de substitution de main-d’œuvre : remplacer les immigrés précaires par des mineurs malléables, moins protégés et plus disponibles.
Le Florida AFL-CIO, fédération syndicale majeure, s’alarme d’un transfert de pouvoir vers les employeurs. « Ces lois donneront tout le pouvoir aux employeurs et faciliteront l'exploitation de ces adolescents » selon le Dr. Rich Templin, directeur politique du Florida AFL-CIO.
La Floride, laboratoire de régression sociale ?
Le soutien au projet repose sur un argument récurrent : celui de l’alignement avec les normes fédérales. Le représentant républicain Jay Collins, porteur du texte, minimise les risques : « On ne parle pas de The Jungle de Upton Sinclair. Il s’agit de travailler chez Publix ou Piggly Wiggly. C’est une affaire de droits parentaux ». Mais réduire l’école à une variable d’ajustement et les mineurs à une ressource économique temporaire, c’est prendre le pari dangereux d’une politique court-termiste, guidée non par l’éducation, mais par l’offre et la demande.
Si le projet de loi SB 918 venait à être adopté, la Floride deviendrait l’un des États les plus permissifs du pays en matière de travail des mineurs. Cette politique d’abaissement systématique des seuils de protection entre dans un mouvement plus large de déréglementation sociale, déjà entamé en 2024.