France-Algérie : l’affaire Boualem Sansal ravive les tensions mémorielles

L’arrestation récente de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien de renom, suscite des réactions vives et contrastées. Cette affaire reflète un contexte politique et sociétal complexe, où l’expression artistique devient un champ de bataille idéologique.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 28 novembre 2024 à 17h36
boualem sansal

L'Algérie contre Boualem Sansal, un duel déséquilibré

L’affaire Boualem Sansal continue de secouer les relations entre la France et l’Algérie. L’écrivain, connu pour son franc-parler et ses critiques ouvertes des régimes autoritaires, a été arrêté et placé en détention provisoire en Algérie. Alors que ses soutiens dénoncent une tentative de musellement politique, ses détracteurs voient en lui une menace pour l'image du régime algérien.

Boualem Sansal est inculpé sur la base de l’article 87 bis du Code pénal algérien, une disposition controversée qui élargit la définition du terrorisme à des actes tels que « l’atteinte à la sûreté de l’État ». Cependant, cette loi est souvent utilisée pour réprimer les opposants politiques. L’avocat de Sansal a qualifié ces accusations d’infondées, soulignant l’absence de preuves tangibles.

Des critiques acerbes contre Boualem Sansal

L’arrestation de Boualem Sansal en Algérie, sous l’accusation d’actes subversifs et terroristes en vertu de l’article 87 bis du Code pénal algérien, a renforcé les divisions. Ses critiques se sont manifestées de manière particulièrement virulente. Parmi elles, une TikTokeuse d'origine algérienne, connue sous le pseudonyme « aniaaafrk », a déclenché une controverse en saluant cette arrestation dans une vidéo vue plus d’un demi-million de fois. Elle a qualifié Boualem Sansal d’« enfant de harki » et d’« idiot utile de la presse française », accusant l’écrivain de nuire à l’image de l’Algérie. Ses propos ont provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, illustrant les tensions persistantes autour de la mémoire coloniale et des conflits identitaires.

Dans les médias traditionnels, certains acteurs se sont également alignés avec les critiques. France 5, par exemple, a été accusée par plusieurs observateurs de favoriser des débats biaisés sur l’Algérie, renforçant les narratifs hostiles à des figures comme Sansal. Ces attaques confortent le gouvernement algérien. Le politologue Nedjib Sidi Moussa, intervenant sur France 5, a minimisé l’impact de l’arrestation en la qualifiant de « procédure interne normale », un discours considéré par beaucoup comme une caution implicite à la répression intellectuelle menée par Alger.

Une mobilisation internationale en faveur de Boualem Sansal

Face à ces critiques, les soutiens de Boualem Sansal ne se sont pas fait attendre. En France, de nombreux intellectuels et personnalités publiques ont dénoncé son arrestation. Michel Onfray, philosophe et essayiste, a comparé Boualem Sansal à Voltaire, soulignant son courage face à « l’intolérance et au silence ». Selon lui, il représente une voix essentielle contre le fondamentalisme religieux et l’autoritarisme.

L’Académie française s’est également exprimée, espérant « une libération sans délai » de l’écrivain. Ce soutien institutionnel reflète l’attachement de la France aux principes de liberté artistique et intellectuelle. L’affaire Boualem Sansal a également révélé des divisions au sein de la gauche française. Certains courants, cherchant à préserver une relation apaisée avec Alger, se montrent réticents à critiquer ouvertement l’arrestation. Cette position ambiguë suscite des critiques acerbes, notamment de la part de journalistes comme Éric Revel, qui y voient une complaisance inacceptable face à un régime autoritaire.

Des relations France-Algérie plus difficiles

L’arrestation de Sansal empoisonne une relation bilatérale déjà fragilisée. Depuis la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, les relations entre Paris et Alger se sont détériorées. Cette arrestation pourrait marquer une rupture silencieuse entre les deux pays, exacerbant un climat de méfiance mutuelle.

Rachida Dati, ancienne ministre de la Justice et actuelle maire du 7ᵉ arrondissement de Paris, s’est exprimée avec fermeté sur l’affaire Boualem Sansal. Dans une déclaration relayée par plusieurs médias, elle a dénoncé une détention « sans fondement sérieux », affirmant que cette arrestation s’inscrit dans une logique de répression systématique des voix dissidentes en Algérie. Selon elle, la situation de Boualem Sansal illustre les atteintes croissantes aux libertés fondamentales dans le pays, qu’elle qualifie de « dérive autoritaire préoccupante ». Rachida Dati a également appelé les autorités françaises à intensifier leurs efforts pour obtenir la libération immédiate de l’écrivain, insistant sur la nécessité de défendre la liberté d’expression comme une valeur universelle et non négociable.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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