Alors qu’il vient d’être nommé Premier ministre, François Bayrou se retrouve face à de nombreux chantiers. Le plus dur est aussi celui qu’attendent le plus les Français : la réduction des dépenses publiques.
François Bayrou, les Français veulent une réduction des dépenses publiques !
Le 13 décembre 2024, un sondage exclusif OpinionWay réalisé pour Economie Matin a révélé un profond clivage dans les attentes des Français à l'égard du nouveau Premier ministre François Bayrou. Alors que le budget 2025 se profile comme un chantier prioritaire, une partie significative de la population semble favorable à une réduction des dépenses publiques.
Un désir de réduction des dépenses publiques : vers un tournant historique pour François Bayrou ?
Selon l’étude, 51 % des Français se disent favorables à une réduction des dépenses publiques, avec un objectif ambitieux de 20 %. Une telle réduction équivaudrait à économiser environ 320 milliards d’euros, soit presque le budget total combiné de l’Éducation nationale, de la Défense, de l’Intérieur et de l’Économie pour 2024 (301,2 milliards d’euros).
La répartition démographique de ce soutien est frappante :
- Les jeunes (18-24 ans) sont les plus enthousiastes, avec 57 % en faveur de la mesure.
- Les 35-49 ans, en pleine carrière, partagent également cet avis à hauteur de 54 %.
- À l’inverse, seuls 46 % des retraités soutiennent cette baisse, une opposition probablement motivée par la crainte d’une réduction des pensions, qui représentent le tiers des dépenses publiques.
Concernant la répartition politique, on observe que :
- 69 % des électeurs du Rassemblement National (RN) approuvent cette baisse, révélant une étonnante orientation libérale. Ce tournant peut avoir été motivé par les récentes prises de position de plusieurs ténors de la droite, notamment Jordan Bardella, Eric Zemmour, Sarah Knafo, Marion Maréchal ou Eric Ciotti.
- À gauche, les réticences sont fortes : seulement 35 % des sympathisants de La France Insoumise (LFI) et 34 % des écologistes s'y rallient. Ce résultat n'a rien de surprenant. La gauche a une longue tradition de défense des services publics, des aides sociales et des fonctionnaires. Réduire les dépenses publiques impliquent nécessairement d'optimiser ces trois secteurs;
- Les macronistes, pourtant théoriquement alignés sur une gestion budgétaire rigoureuse, sont divisés, avec 48 % de soutien. Le parti semble donc moins libéral qu'on ne l'aurait cru. Il est par ailleurs constitué majoritairement de retraités, soit la classe d'âge la moins favorable à la baisse des dépenses publiques.
Les défis d'une baisse budgétaire de 20 %
L’impact d’une telle réduction pourrait bouleverser l’économie nationale. Le budget total de l’État pour 2024 est évalué à 1 600 milliards d’euros, incluant les dépenses sociales. Une baisse de 20 % représenterait pour le futur gouvernement de François Bayrou un effort colossal de 320 milliards d’euros, soit l’équivalent de :
- La totalité des pensions de retraite (332 milliards d’euros).
- Une suppression complète de plusieurs ministères clés.
Une baisse de 20% se rapprocherait d'une "tronçonneuse budgétaire". Cette image est empruntée à Javier Milei. Ce président argentin fait vivre un tournant libéral à son pays depuis un an. Il a notamment proposé un budget à l'équilibre, c'est-à-dire sans déficit, alors que le déficit français dépasse les 150 milliards d'euros. Sur les réseaux sociaux, de plus en plus d'internautes français appellent à tronçonner de même les dépenses publiques.
Où prendre les économies ?
Pour atteindre 20% de dépenses publiques en moins, il n'est naturellement pas question pour François Bayrou de supprimer les retraites ou l'intégralité des ministères de l’Éducation nationale, de la Défense, de l’Intérieur et de l’Économie. Cette baisse passera par une série de décisions qui déplairont nécessairement à ceux qui y perdront des revenus. Ainsi, les aides à la presse représentent 4 milliards d'euros chaque année. Les supprimer ne plaira pas aux médias, mais la popularité auprès des Français est peut-être à ce prix.
François Bayrou fait face à un défi herculéen. S’il répond à cet appel à la rigueur budgétaire, il risque de s’aliéner des électorats stratégiques, notamment les seniors et les classes populaires. Mais le statu quo pourrait également entacher sa crédibilité. Reste à voir s’il saura transformer cette exigence populaire en opportunité politique.