L’accusation de trahison, lorsque la gauche gouverne, est une vieille rhétorique qui a souvent opposé les différentes composantes de la gauche.
La trahison, une accusation régulière à gauche
Dans les années 30, le parti communiste dénonçait les socialistes comme des « socio-traitres ». François Mitterrand et Lionel Jospin ont été confrontés à la même critique, virulente et injuste. Il n’est pas étonnant que François Hollande connaisse le même sort, d’autant plus que le Front de gauche a fait le choix de ne pas participer à la majorité et au gouvernement.
La « trahison » est même devenue le principal « fonds de commerce » de ces partis, parti communiste et parti de gauche, qui, par ailleurs peinent à trouver une audience. Plus grave, cette critique, suicidaire pour la gauche, est parfois portée au sein même de la majorité. Il faut y voir la difficulté, presque identitaire, d’une partie de la gauche à assumer l’exercice du pouvoir. Pour certains, gouverner c’est trahir ! Le compromis, le réformisme progressif n’ont pas de place dans une vision intransigeante et sectaire de l’action politique.
François Hollande ne mène pas de politique d'austérité
Mais examinons les pièces du procès. La gauche mènerait-elle une politique d’austérité comme le proclame ses procureurs ? Avec 4 % de déficit budgétaire, cette accusation ferait sourire, ou rire jaune, nombre de nos partenaires européens. Si des pays, notamment du sud de l’Europe, ont connu l’austérité il n’en va pas de même pour la France. Les Français n’ont pas subi les baisses de salaire ou la suppression des prestations sociales comme leurs voisins ibériques, italiens, portugais ou grecs. Et il faut s’en réjouir. Même si des efforts ont été demandés, ils ont épargné la plus grande partie des Français, les plus modestes mais aussi les catégories intermédiaires.
La gauche mène, certes, une politique indispensable de réduction des déficits, sous peine de graves difficultés financières, mais elle le fait à un rythme compatible avec le retour de la croissance. C’est pourquoi la France a obtenu la possibilité d’étaler dans le temps le retour au 3% de déficit. Dans ce contexte, dire que le gouvernement et la majorité conduisent une politique d’austérité relève soit d’une profonde méconnaissance de ce que signifie une telle politique, soit de l’imposture.
Ne pas se réfugier dans le conservatisme
Autre critique : la gauche mènerait-elle des réformes dites « libérales » ? Il est vrai que le président de la République a engagé un certain nombre de réformes qui ne font pas partie de l’ADN de la gauche traditionnelle. Ces réformes sont justifiées par la faiblesse de l’économie française dont la compétitivité s’est dangereusement dégradée ces dix dernières années ou par l’existence de véritables rentes de situation dans certaines professions qui pénalisent l’emploi et le pouvoir d’achat des Français. Mais à chaque fois, ces réformes ont été réalisées en prévoyant des contre parties sociales. Ainsi, la transposition de l’accord interprofessionnel sur le travail généralise la possession d’une mutuelle à tous les salariés, la réforme des retraites a donné une réalité à la pénibilité, et l’extension du travail du dimanche prévoit des contre parties salariales pour tous les salariés qui seraient concernés.
Etre de gauche ce n’est pas se réfugier dans le conservatisme, alors que le monde et son ouverture nous demande de nous adapter. Etre de gauche c’est avoir le courage d’entreprendre les réformes dont le pays a besoin pour créer plus de croissance et plus d’emplois, en ayant le souci de ne laisser personne sur le bord du chemin. La mondialisation a instauré une concurrence féroce entre les entreprises et entre les individus. Notre responsabilité est de donner aux unes et aux autres les moyens de relever cette compétition. Dans ce contexte, l’immobilisme n’est pas une option. Il ne peut que préparer des lendemains qui déchantent. Les « traitres » ne se situent sont pas nécessairement là où certains le croient !