Présidence Ghazouani : des réussites et encore quelques défis

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Par Baudouin de Petiville Publié le 6 mai 2021 à 5h02
Mauritanie
5 MILLIARDS $La dette de la Mauritanie est de 5 milliards de dollars.

Élu il y a un peu plus d’un an et demi, Mohammed Ould el Ghazouani s’illustre par un soft power discret qui a permis de redresser économiquement un pays abîmé par dix ans de mauvaise gestion. Alors que la plupart des observateurs internationaux s’attendaient à voir une marionnette téléguidée par l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz, le chef de l’Etat a su se démarquer dans de nombreux domaines.

Les efforts du Président ce sont caractérises par une politique volontariste en matière de gouvernance et surtout, de diversification économique. Si le bilan s’avère globalement positif, l’administration Ghazouani reste confrontée à plusieurs défis qui doivent être pris en compte : tels que la lutte contre la corruption, la diversification économique et l’inclusion des populations les plus fragiles aux circuits [économiques] nationaux.

Cette volonté de développement économique est directement liée au contexte politique et géopolitique régional. En effet Les conflits ethniques et tribaux ainsi que la faiblesse de l’Etat central font généralement le lit du terrorisme : dans cette voie le Président Ghazouani a œuvré à consolider la doctrine antiterroriste en l’articulant au développement économique de l’arrière-pays. Une évolution qui s’est accompagnée d’une politique de dialogue avec les islamistes afin d’en isoler les éléments les plus radicaux.

Ancien ministre de la Défense de son prédécesseur, le Président Ghazouani fut le maître d’œuvre de la politique sécuritaire exemplaire qui a permis d’endiguer le terrorisme depuis 2011, alors qu’il frappait durement la Mauritanie depuis 2005. Si, depuis dix ans, le pays n’a pas connu d’attaques sur son sol, c’est grâce à une professionnalisation des forces armées et à la mise en place de forces mobiles et polyvalentes agissant de concert avec des forces de sécurité intérieure également optimisées.

Difficile diversification économique

La République de Mauritanie obéit à une doctrine qui construit un continuum très resserré entre sécurité et développement économique. En d’autres termes la politique économique du pays est vu autant comme un des piliers de la cohésion nationale que sa conséquence.

Actuellement, la politique intérieure du Président vise notamment à améliorer le climat des affaires et attirer les investisseurs internationaux. C’est un préalable incontournable à la diversification de l’économie du pays, très dépendante de ses ressources naturelles. En 2017, 97% des exportations concernaient la pêche et les minerais. L’économie mauritanienne serait la plus impactée d’Afrique de l’Ouest : les mesures de restriction imposées par la pandémie devraient entraîner une récession de 3,2%. Mais le plus grand coup porté au pays a été le report à 2023 de l’exploitation du projet de champ gazier offshore Grand Tortue-Ahmeyim (GTA). Un coup dur pour le Président, qui comptait sur ce projet pour redresser l’économie.

Alors que la Mauritanie supporte déjà une dette de 5 milliards de dollars, soit 25% du budget annuel, le plan national de réponse au Covid risque d’aggraver le déficit des finances publiques, ce qui pourrait nuire à un bilan présidentiel provisoire prometteur. Malgré la dynamique de réformes, plusieurs résultats concrets se font toujours attendre.

En outre, il est apparu récemment qu’une grande partie de l’or mauritanien, issu de l’orpaillage artisanal, vient financer le djihad sahélien indirectement, via le marché noir. En effet, 70% de ces ressources quittent la Mauritanie, dont une partie via les pistes transsaharienne liées aux groupes djihadistes, en dépit d’un excellent contrôle du territoire. Au final, la question de la gestion des ressources aurifères demeure complexe. Même si le secteur peut générer des effets sécuritaires inattendus, c’est un important pourvoyeur de travail (direct et indirect) pour des dizaines de milliers de Mauritaniens.

Les efforts du gouvernement sont par ailleurs très marqués concernant l’aménagement du territoire : un enjeu économique [et sécuritaire] très fort. Les salaires des soignants ont ainsi été augmentés de 30% et les enseignants ont vu leurs primes augmentées afin de les encourager à travailler dans des zones reculées du pays. Ces mesures sont accompagnées d’un développement des infrastructures routières afin de désenclaver l’arrière-pays. Deux routes nationales doivent ainsi être développées dans les prochaines années afin de faciliter la circulation jusqu’à la frontière malienne.

Gouvernance renforcée

Les résultats économiques semblent donc au rendez-vous-même si le travail reste encore vaste. C’est sous ce prisme que l’on peut décrypter l’action politique et administrative du Président Ghazouani marquée per une volonté d’apaisement.

Au cours de cette première année de mandat, il a souhaité offrir des gages de dialogue à l’opposition. L’opposant Biram Dah Abeid a ainsi déclaré en octobre 2019 avoir observé « beaucoup de modération et de pondération » lors de ses entretiens avec le Président. Autre signe d’ouverture : Mohamed Ould Bouamatou, opposant en exil depuis dix ans, a pu rentrer en Mauritanie, suivi par d’autres figures de l’opposition comme le sénateur Mohamed Ould Ghadda ou le journaliste Babah Sidi Abdallah. Le gouvernement a également récemment annoncé la tenue d’une grande concertation nationale afin notamment d’aborder le sujet de l’esclavage. Cette question, très sensible dans le pays, est l’une des causes principales des rivalités ethniques internes que les djihadistes pourraient exploiter.

Cette politique d’apaisement a été facilitée par une prise de distance discrète et progressive avec l’ancien Président. Ainsi, la formation de son premier gouvernement impliquait certains proches du Président Aziz, tout en nommant des anciennes personnalités en disgrâce comme Ismail Ould Bodde Ould Cheikh Sidiya, qui devint par la suite Premier ministre. Cet éloignement s’est accentué avec l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la gestion de biens de l’Etat par l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Ce dernier a ainsi été accusé d’actes de malversation financière liés à l’exploitation des infrastructures portuaires, impliquant son entourage et des sociétés étrangères de pêche industrielle. Pendant tout le temps de l’enquête, le Président Ghazouani a refusé d’intervenir, laissant agir les parlementaires et écartant les ministres impliqués dans l’affaire. Cette affaire fut interprétée comme un signal fort contre la corruption et l’impunité, mettant un véritable coup de frein à des pratiques encouragées par le système tribal et familial à l’œuvre dans le pays.

Professionnalisation de l’armée

Préalable autant que conséquence de l’assainissement publique et économique, la sécurité est depuis 10 ans un pilier fondamental du pays et le socle de sa stratégie de développement. L’une des clefs de la réussite sécuritaire mauritanienne est d’avoir investi dans une véritable éducation militaire professionnelle avec des partenaires tels que la France, l’Egypte ou les Emirats arabes unis. L’installation du collège de défense du G5 Sahel à Nouakchott, dont la deuxième promotion a été diplômée en 2020, en est l’une des conséquences.

Fort de son expérience, le Président Ghazouani a voulu profiter de sa présidence du G5 Sahel en 2020 pour redynamiser cette organisation. Son mandat a permis de mettre en application les principes énoncés lors du Sommet de Pau du 13 janvier 2020. Une dynamique saluée par le commandant de l’opération Barkhane, qui soulignait devant le Sénat français la création « d’une véritable architecture de sécurité avec les partenaires sahéliens, chacun permettant de démultiplier les résultats obtenus par les autres ». Les partenaires du G5 se félicitent également d’une plus grande implication des bataillons de la force conjointe (FC-G5S) sur le terrain. Bien qu’encore insuffisant, cet effort est largement souligné par les observateurs.

Conscient de l’importance de la stabilité du Mali pour la région et de l’efficacité de la force conjointe, le Président a également impliqué l’organisation dans la résolution de la crise politique malienne. Ces évènements ont conféré une stature internationale au Président Ghazouani, désormais pris en considération par ses confrères africains, et par le Président Macron qu’il a de nouveau rencontré en janvier 2020 afin de préparer le Sommet de N’Djamena.

Ce bilan positif est cependant nuancé par un relatif attentisme opérationnel de l’armée mauritanienne, qui suscite l’impatience de ses partenaires. En effet, Nouakchott tend à retarder la projection de ses forces dans la zone des trois frontières, probablement afin de ne pas s’attirer les foudres des djihadistes. Une position d’autant plus délicate pour le pays alors que le Président a insisté pour que le Tchad envoie un bataillon dans la zone.

L’action de l’armée mauritanienne ne se limite pas à des opération de sécurité au sens coercitif du terme. Elles sont directement parties prenantes à la stabilisation et au développement social et économique du pays. En témoigne la montée en puissance des compagnies méharistes, troupes aussi bien chargées de missions de contre-terrorismes, de police que d’aides au populations. Ces compagnies sont en effet chargées de fournir conseils et services en termes de construction d’infrastructures de première nécessité (puits, irrigation de base, etc.) ou d’apporter de nouveaux savoirs-faires agricoles ou maraichers. Il s’agit là d’un palier fondamental avant tout développement économique plus ambitieux.

En définitive le bilan de la première partie du mandat du président Ghazouani semble avoir pris une bonne voie via la consolidation sécuritaire, la lutte contre la corruption et le développement économique. Si certains résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes, et si des risques non négligeables subsistent à moyen terme, on constate globalement des améliorations dans de nombreux pan de la vie nationale. Il semble alors que clair que le Président Ghazouani devrait continuer sur sa lancée tout en restant vigilant sur les conséquences à moyen terme de certaines politiques. Dans un premier temps, l’optimisme pourra être de mise si le pays parvient à sortir de la crise du Covid-19 : ce à quoi semble s’employer activement le gouvernement.

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Après une année de master de Relations Internationales à l'ICES j'ai rejoint le Master 2 Sécurité Défense d'Assas Paris II. En parallèle j'ai travaillé pour le cabinet de géostratégie Ageosco où j'étais principalement responsable de la veille sur l'Afrique.

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