Le gouvernement s’est engagé sur la voie des ordonnances avec de vrais points de faiblesse auxquels il faudra accorder une vigilance particulière. En particulier, la capacité politique de la ministre du Travail à tenir le débat paraît discutable face à une France Insoumise particulièrement en forme.
La première journée de débat dans l’hémicycle sur les ordonnances de la loi Travail n’a pas manqué d’inquiéter les observateurs avisés. C’est une ministre mal assurée, très rivée à ses notes, très centrée sur des positions techniques, qui est apparue. Pour un peu, on aurait dit un directeur des relations sociales d’une grande entreprise en pleine négociation d’un accord sur la durée du travail avec des syndicalistes turbulents.
Face à elle, Muriel Pénicaud voit se dresser un groupe France Insoumise qui avance en ordre structuré, avec des orateurs qui ont préparé leurs interventions et qui ne cèdent pas un pouce de terrain. Leur stratégie d’obstruction consiste à demander d’amender chaque article du texte en le truffant de mentions contraires à l’intention politique du gouvernement. Face à eux, il est évident que le gouvernement manque d’un répondant politique à la hauteur.
Le gouvernement doit-il s’apprêter à une victoire parlementaire mais à une défaite politique?
Pour Emmanuel Macron, ce manque d’envergure politique d’une ministre par ailleurs affaiblie par les affaires constitue un risque majeur. Muriel Pénicaud laisse aujourd’hui le champ politique libre à une contestation sur le fond même de la réforme, et c’est un risque majeur.
En effet, les sondages d’opinion montrent que les Français n’ont pas forcément compris la réforme qui se prépare. En choisissant la voie de l’ordonnance, le gouvernement saute l’étape de l’explication politique. Il est donc vital à long terme que le gouvernement explique clairement ses intentions et ses ambitions lors du débat parlementaire.
Or qu’avons-nous à la place de ce processus salutaire? une ministre qui ramène tout à des considérations techniques et qui pense donc le processus démocratique comme un processus d’entreprise. Là où il faudrait une vision, on a des explications.
Le risque est évidemment de confier la vision à l’opposition, en l’espèce à la France Insoumise, qui martèle des idées simples à comprendre. Celles-ci percoleront tôt ou tard dans l’opinion: la réforme est voulue par le MEDEF et ne sert que lui.
Macron a tort de mépriser le fait parlementaire
On comprend pourquoi le gouvernement se met dans cette situation. Emmanuel Macron, en bon inspecteur général des finances, méprise la démocratie parlementaire et la représentation nationale. Formaté par l’ENA, il la rend responsable de tous les maux et de toutes les faillites françaises.
Fort de ce mépris, il a donc sous-estimé les forces nécessaires à mettre dans la bataille à mener à l’Assemblée Nationale. Pourtant, même pour une loi d’habilitation, il faut convaincre.
Cet oubli risque de lui coûter cher.