Le Premier ministre grec en appelle à une Europe solidaire. Il y a des mots mythiques en nos social-démocraties, tels des sésames universels ; « solidarité » en est un. En tous domaines, dès qu'on ose formuler le début d'une critique envers la pensée socialisante moraliste, on est pris de haut et les accusations d'égoïsme ou de sectarisme suivent de très près. La Grèce tire sur cette grosse ficelle.
Ce serait beau, une Europe solidaire. Mais le scandale vient des faits qui le précèdent. Le passage à l'euro a forcé sur 300 millions de personnes la fausse solidarité monétaire. Ainsi, moi pays du Sud, je contracte des dettes, je vie au-dessus de mes moyens. Ma monnaie aussitôt perd en valeur, puisqu'une dette lui est attachée. Mais grâce à l'euro, ma monnaie est aussi celle des gens du Nord, lesquels triment et gonflent la valeur de leur monnaie. La Cigale et la Fourmi, en quelque sorte, sauf que la Cigale peut dépenser directement les réserves de la Fourmi. Bel esprit de solidarité que voilà.
Le Larousse nous définit la solidarité comme le « _rapport existant entre des personnes qui, ayant une communauté d'intérêts, sont liées les unes aux autres_ ». Osons poser la question : quel est l'intérêt de l'Europe à garder la Grèce au sein de la zone euro, voire au sein de l'Europe ? Eviter la fracture ?
On peut penser que l'intérêt de tous est au contraire dans une autre forme de solidarité : celle issue de la responsabilité de chacun. Que la Grèce sorte de l'Europe, c'est plus sain. Nous aurons un problème de moins à gérer entre nous. Et les Grecs seront responsables d'eux-mêmes, donc bien plus acculés à la réforme, la vraie. Bien sûr, ce sera dur. Mais un adolescent ne devient pas adulte sans heurts. Les pousser à prendre leurs responsabilités, c'est de loin le meilleur service qu'on puisse rendre aux Grecs, peuple riche.
Il ne faut pas stopper là la réflexion. Ce traitement, s'il est valable pour la Grèce, a toutes chances d'être pertinent pour tous les pays plus ou moins en difficulté. Exit l'Italie, le Portugal ou Chypre. Mais cela fonctionne aussi dans l'autre sens, c'est la logique suivie depuis toujours par les Britanniques : Si les Allemands sortent de l'euro, ils pourront à juste titre profiter de leurs efforts, des fruits de leur réunification et du succès de leur industrie, par exemple.
J'entends monter la critique, le couperet : égoïste. Pourquoi s'il vous plait ? Si la zone de libre échange est maintenue et même libérée encore, les échanges entre pays redevenus prospèrent, ou du moins avec une monnaie en ligne avec le marché, resteront et de loin le meilleur moyen pour chacun de s'enrichir, comme les principes mêmes du commerce le veulent. Depuis des années, la crise de la Grèce au sein de l'euro n'est qu'un écran de fumée, où certains intérêts financiers brandissent un euro essentiel à notre progrès, à notre paix. Il n'en est pourtant rien. De tous temps, le meilleur ami, la source de la paix entre les peuples, c'est le libre commerce, pas la dette commune.