Guerre des taxes : l’UE lance son offensive contre les USA

L’Europe parle le langage des droits de douane. Non plus comme un outil de sanction, mais comme un levier diplomatique dans un bras de fer inédit avec les États-Unis. À Bruxelles, la stratégie change de tonalité. À Washington, elle provoque déjà des crispations.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Modifié le 7 avril 2025 à 17h23
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Guerre des taxes : l’UE lance son offensive contre les USA - © PolitiqueMatin

Le 7 avril 2025, l’Union européenne (UE) a annoncé une série de mesures tarifaires contre les États-Unis, censées entrer en vigueur à deux échéances : le 15 avril et le 15 mai. Cette réponse intervient après l’instauration par Washington de nouveaux droits de douane sur les produits européens, dans un contexte de retour assumé aux logiques protectionnistes. Pour les institutions européennes, il ne s’agit plus seulement de réagir, mais d’assumer une posture offensive sur le terrain commercial, dans une phase où l’équilibre du multilatéralisme semble à nouveau en péril.

L’Union européenne impose son tempo face à l’unilatéralisme américain

Le calendrier de la Commission européenne ne doit rien au hasard. En annonçant dès le 7 avril une double vague de sanctions tarifaires, l’UE répond à l’escalade impulsée par l’exécutif américain avec une précision méthodique. Les nouvelles taxes imposées par les États-Unis, notamment une surtaxe de 20 % sur plusieurs catégories de biens industriels européens, ne pouvaient rester sans réponse politique. C’est désormais chose faite.

L’objectif de Bruxelles est double. D’un côté, affirmer sa crédibilité stratégique face à un partenaire devenu imprévisible. De l’autre, sanctuariser le marché unique européen contre toute tentative de distorsion concurrentielle. Maros Sefcovic, commissaire européen au Commerce, l’a formulé sans détour : « Nous sommes prêts à utiliser tous les outils de notre arsenal de défense commerciale pour protéger le marché unique de l’UE ». Cette déclaration, loin d’être purement technique, acte un tournant dans la doctrine commerciale de l’UE : la réactivité devient un principe, la réciprocité une règle.

Une main tendue sous condition : la logique d’exemption réciproque

Mais cette fermeté n’exclut pas l’ouverture. Le même jour, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé une suppression complète et réciproque des droits de douane pour tous les produits industriels entre l’UE et les États-Unis. Une proposition qui vise à relancer les canaux diplomatiques dans un climat alourdi par la surenchère verbale du président américain.

Loin d’une initiative improvisée, cette proposition incarne une stratégie d’anticipation : elle contraint la Maison Blanche à se positionner publiquement, soit en rejetant un cadre d’échange équilibré, soit en acceptant un retour à une relation bilatérale fondée sur des règles partagées. Pour Ursula von der Leyen, l’Europe est « toujours prête à conclure un bon accord », mais elle ne se privera pas d’« agir par des contre-mesures » si aucune ouverture ne se dessine.

Le message est clair : l’UE ne négociera pas sous pression, mais elle ne renoncera pas à dialoguer si les conditions minimales d’égalité sont réunies.

Effondrement des marchés : symptôme ou catalyseur politique ?

Au-delà des déclarations, la réaction immédiate des marchés financiers illustre l’ampleur des enjeux. La Bourse de New York a ouvert en forte baisse, avec un repli de près de 3 % sur ses principaux indices. L’onde de choc s’est propagée aux places financières européennes et asiatiques, certaines enregistrant des chutes de plus de 10 %, comme à Francfort ou Hong Kong.

Dans ce contexte, les droits de douane deviennent un indicateur politique autant qu’un outil économique. Ils mesurent le degré de confrontation assumé entre les puissances, mais ils traduisent aussi la fragilité d’un ordre commercial mondialisé qui vacille à chaque annonce présidentielle. La guerre commerciale n’est plus un spectre : elle est désormais intégrée comme un scénario de gouvernement.

Trump, Musk et la dissonance américaine : fracture dans le discours ?

Fait inattendu, le débat sur l’intégration économique transatlantique a été relancé par une figure atypique : Elon Musk. Le PDG de Tesla a publiquement proposé, le 6 avril, la création d’une zone de libre-échange entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Une initiative aussitôt saluée par la France, Laurent Saint-Martin qualifiant cette idée d’« excellente ».

Mais au sein même des institutions européennes, cette ouverture a suscité autant d’interrogations que d’adhésions. Robert Habeck, ministre allemand de l’Économie, a jugé « ridicule » la cacophonie observée à Washington, en appelant Elon Musk à faire entendre raison à Donald Trump sur les « absurdités » de la stratégie actuelle.

Cette séquence met en lumière une forme de dissonance interne du camp américain : pendant que l’exécutif relance le bras de fer tarifaire, certains de ses membres ou proches interlocuteurs plaident pour une réintégration commerciale plus large. Pour Bruxelles, cette contradiction est à la fois un risque et une opportunité. Un risque, si les partenaires européens misent sur des signaux instables. Une opportunité, si elle permet d’élargir le champ des alliances transatlantiques, au-delà du seul cadre gouvernemental.

Ce que l’Europe engage : souveraineté commerciale ou affirmation géopolitique ?

La démarche de l’UE témoigne d’un repositionnement stratégique plus large : celui d’une Union qui entend peser politiquement par ses instruments économiques. En imposant des dates précises, des mesures calibrées et une offre de négociation explicite, Bruxelles envoie un message aux États-Unis, mais aussi au reste du monde : elle ne sera plus une zone de compromis passif.

Cette posture s’inscrit dans une dynamique d’affirmation plus globale, déjà amorcée par la mise en œuvre de l’« instrument anti-coercition » évoqué par Laurent Saint-Martin, permettant de bloquer l’accès aux marchés publics européens pour des entités jugées hostiles.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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