Malgré les discussions diplomatiques en cours, la Russie poursuit la militarisation de son économie en augmentant, encore, son budget de défense pour 2025.
Défense : la Russie augmente (encore) son budget militaire pour 2025

Le conflit russo-ukrainien, déclenché par l’invasion de février 2022, entre dans sa quatrième année sans la moindre perspective de règlement durable. Les pourparlers s’enlisent, et Moscou, comme l'indique le rapport du SIPRI publié le 8 avril 2025, n’envisage aucun infléchissement de sa trajectoire budgétaire, bien au contraire.
Russie : 7,2 % du PIB consacré à la Défense en 2025
Selon les chiffres officiels rapportés par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), la Russie prévoit d’allouer en 2025 une enveloppe de 15,5 trillions de roubles à la Défense — soit environ 163,8 milliards d’euros.
Ce montant équivaut à 7,2 % du produit intérieur brut (PIB) russe et traduit une hausse de 3,4 % en termes réels par rapport à 2024 — de quoi confirmer, s’il en était encore besoin, la militarisation croissante de l’économie russe. À lui seul, le budget de la Défense représente désormais 37 % du budget fédéral, un niveau sans équivalent parmi les grandes puissances industrielles.
Un budget de plus en plus classifié
Loin d’être intégralement visible dans la ligne budgétaire « Défense nationale », ce montant record est en réalité réparti dans une constellation de chapitres, qui brouillent la lecture. Le poste « Défense nationale » pour sa part, affiche officiellement une enveloppe de 13 087 milliards de roubles, soit environ 139,2 milliards d’euros, mais une part croissante des dépenses est dissimulée dans les postes sociaux, sécuritaires ou régionaux, selon le SIPRI.
Le budget classifié atteindrait ainsi : 12 121 milliards de roubles, soit environ 128,9 milliards d’euros, ce qui représente 29,2 % du budget fédéral total. Cette proportion record traduit un effacement comptable progressif de la guerre dans la communication gouvernementale. Le SIPRI le souligne explicitement : « le niveau de transparence a diminué », révélant une stratégie délibérée de floutage budgétaire destinée à rendre illisible l’ampleur réelle de l’effort de guerre.
Des coupes au service du front
Pour financer cette militarisation sans creuser son déficit - estimé à 0,5 % du PIB pour l'année 2025 -, la Russie a réduit de 1,4 trillion de roubles, soit environ 14,9 milliards d’euros, les transferts au Fonds national de retraite et d’assurance sociale. Parallèlement, elle renforce les lignes budgétaires dédiées au soutien des militaires : 835 milliards de roubles sont alloués à ce poste en 2025, soit environ 8,83 milliards d’euros.
Ces flux servent en grande partie à rémunérer les soldats engagés dans le conflit. Depuis juillet 2024, la prime d’engagement pour les nouvelles recrues a doublé, atteignant 400 000 roubles, soit environ 4 255 euros. L’objectif est explicite : éviter une mobilisation générale politiquement risquée, en misant sur le recrutement volontaire par incitation financière.
Un équilibre budgétaire fragile
Le rapport du SIPRI souligne par ailleurs que la Russie ne finance pas son effort de guerre au prix d’un déséquilibre budgétaire majeur. Au contraire, le déficit fédéral devrait être contenu à 0,5 % du PIB en 2025, selon les prévisions russes.
Ce fragile équilibre repose sur trois piliers principaux : une croissance encore soutenue (4,1 % en 2024, 2,5 % attendus en 2025), une réduction ciblée de certaines dépenses sociales, et un niveau de recettes fiscales relativement stable, porté par les exportations d’hydrocarbures et la hausse des prélèvements sur les secteurs stratégiques.
L’inflation reste élevée — 9,5 % fin 2024 — mais est considérée comme sous contrôle dans les projections officielles. Le Kremlin mise sur l'efficacité d’un capitalisme dirigé, où les ressources sont strictement orientées vers les priorités politiques et militaires, au détriment de la transparence budgétaire, de la protection sociale ou de la diversité des investissements. Autrement dit, l’économie russe est loin d’être à genoux. Elle ne prospère pas, mais elle tient — en dépit des sanctions.
Des pourparlers figés
Ces choix budgétaires interviennent alors que les négociations en vue d’une issue au conflit demeurent dans l’impasse. Moscou réclame la reconnaissance des territoires annexés, la levée intégrale des sanctions occidentales et une garantie de neutralité permanente pour l’Ukraine — des exigences jugées inacceptables par Kiev et largement rejetées par les capitales européennes.
Les signaux venus d’Occident ne sont pas plus conciliants. En mars 2025, l’Union européenne a annoncé un plan de 800 milliards d’euros pour la Défense, visant à renforcer l’industrie de l’armement, mutualiser les achats et structurer une capacité d’action militaire autonome. Pour le Kremlin, cette annonce confirme une logique d’affrontement de long terme, qui se traduit par une militarisation encore plus avancée de son économie.