La diplomatie est parfois une lettre qui n’arrivera jamais. En suspendant unilatéralement ses envois vers les États-Unis, Hong Kong ne se contente pas de bloquer des colis : elle dénonce, condamne, et défie.
Hong Kong arrête les envois de colis : l’Amérique traitée comme une menace

Le 16 avril 2025, Hongkong Post annonce la suspension immédiate de ses envois postaux contenant des marchandises à destination des États-Unis. Une décision en apparence logistique, mais au fond éminemment politique. Elle intervient à quelques semaines de la mise en application d’un décret signé par Donald Trump supprimant l’exemption de droits de douane pour les colis de moins de 800 dollars (environ 750 euros), connue sous le nom de régime « de minimis ».
Neutralité impossible : la fin du double jeu de Hong Kong
Depuis des décennies, Hong Kong tente de maintenir une position d’équilibre délicate. Cité commerciale ultralibérale, intégrée économiquement aux circuits occidentaux mais arrimée politiquement à Pékin, la région administrative spéciale a souvent joué les modérateurs discrets dans les frictions sino-américaines.
Mais cette fois, la fracture est assumée. En refusant non seulement de suivre la logique des surtaxes, mais surtout de servir de relais logistique à leur application, Hong Kong transforme une querelle commerciale en désaveu diplomatique. Le service postal hongkongais précise : « Nous ne collecterons aucun soi-disant tarif au nom des États-Unis », relate The Guardian. Dans le même communiqué, l’institution accuse Washington d’« actes d’intimidation commerciale » et de « décisions tarifaires abusives ». La rupture n’est pas technique, elle est symbolique : Hong Kong choisit son camp, ou plutôt elle rejette celui de Trump.
Tarifs contre souveraineté : un conflit aux accents nationalistes
La réaction hongkongaise fait suite à un décret de Trump daté du 8 avril 22025, lequel impose des droits fixes de 100 à 200 dollars par colis à partir de mai 2025, même sur les plus petits envois. Objectif affiché : couper l’herbe sous le pied aux mastodontes chinois du e-commerce comme Shein ou Temu, qui profitaient de cette franchise pour inonder le marché américain.
En bloquant les flux, Trump force ses adversaires à réagir non plus comme partenaires commerciaux, mais comme acteurs politiques. Et Hong Kong, pourtant habituée à se faire discrète, sort ici de sa réserve.
Hong Kong : un choix dicté par la Chine ?
Peut-on réellement parler de choix politique autonome ? Ou bien cette suspension est-elle dictée depuis Pékin ? Difficile à dire. Officiellement, Hong Kong agit en tant qu’autorité indépendante en matière de commerce. Mais la coïncidence avec les contre-mesures tarifaires de la Chine, et le ton particulièrement virulent utilisé contre Washington, laissent peu de place au doute.
Hong Kong serait-elle en train de se redéfinir comme prolongement de la stratégie chinoise face à la guerre commerciale ? Ou bien tente-t-elle simplement d’éviter de servir de passerelle de substitution, et ainsi d’éviter les représailles secondaires de Washington ?
Une chose est sûre : le mythe de la neutralité commerciale hongkongaise vient de voler en éclats. En pleine guerre tarifaire, refuser de coopérer revient à prendre position.
Les USA en position de faiblesse
Cette décision ouvre une brèche dans le jeu global. Car si une région comme Hong Kong — historiquement ouverte, intégrée aux flux mondiaux — se met à bloquer ses canaux de communication avec la première économie du monde, qu’adviendra-t-il des autres hubs logistiques asiatiques ?
Dans ce contexte, les États-Unis risquent de voir se refermer, colis après colis, une partie de leur propre réseau d’approvisionnement low-cost, au moment même où l’inflation redevient un sujet sensible en période électorale. Mais ce n’est pas seulement l’économie qui vacille ici. C’est la grille d’interprétation des rapports de force : une décision administrative devient une déclaration politique ; une suspension d’envois devient un acte de souveraineté.