L’obligation d’indiquer son identité de genre sur les formulaires SNCF appartient désormais au passé. Une décision récente de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) secoue les pratiques administratives.
La CJUE bouscule la SNCF : fin des formulaires genrés en 2025
Le 9 janvier 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a statué que la SNCF, via son application SNCF Connect, ne pouvait plus exiger de ses usagers qu’ils renseignent leur civilité (« Monsieur » ou « Madame ») pour acheter un billet de train. Ce jugement, attendu après plusieurs années de lutte engagée par des associations de défense des droits LGBT+, pourrait transformer durablement les interactions entre entreprises et consommateurs au sein de l’Union européenne.
Le conflit autour des formulaires SNCF : une question de discrimination de genre
La controverse remonte à 2022, avec la plainte déposée par l’association Mousse, spécialisée dans la défense des droits des personnes LGBT+. Selon l’organisation, l’obligation pour les usagers de choisir une case « Monsieur » ou « Madame » lors de l’achat de billets sur SNCF Connect imposait une discrimination systémique. Ce procédé excluait notamment les personnes non binaires ou intersexes, pour qui cette catégorisation rigide s’avérait non seulement inutile mais aussi aliénante.
L’avocat de l’association, Étienne Deshoulières, a affirmé que cette pratique contribuait à « nourrir un sentiment d’exclusion », un argument que la CJUE a pris en considération. La plainte a d’abord été rejetée par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), avant d’être portée devant le Conseil d’État, puis la CJUE.
Une décision européenne fondée sur le principe de minimisation des données
La CJUE a jugé que l’identification par le genre n’était pas « objectivement indispensable » pour délivrer un service tel qu’un billet de train. Ce raisonnement s’appuie sur le principe européen de minimisation des données, inscrit dans le règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce principe impose que seules les informations strictement nécessaires soient collectées auprès des consommateurs.
« En outre, la Cour rappelle que le RGPD prévoit une liste exhaustive et limitative des cas dans lesquels un traitement de données à caractère personnel peut être considéré comme étant licite : c’est, notamment, le cas lorsqu’il est i) nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie, ou ii) nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable de ce traitement ou par un tiers. »
La Cour a également souligné que la SNCF pouvait utiliser des formules plus inclusives et génériques, telles que « Cher(e) client(e) ». Une telle solution, a-t-elle précisé, serait moins intrusive et respecterait davantage les droits individuels des usagers.
Les implications pour les voyageurs et l’Union européenne
Pour les usagers de la SNCF, cette décision marque la fin de l’obligation de choisir entre « Monsieur » et « Madame ». Cette évolution devrait entrer en vigueur progressivement, après que le Conseil d’État français aura intégré l’avis de la CJUE dans sa propre décision.
Les conséquences de ce jugement vont au-delà des pratiques de la SNCF. Selon Étienne Deshoulières, citée par 20 Minutes, cette décision pourrait inciter d’autres entreprises et administrations à revoir leurs formulaires, non seulement en France mais dans l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne. En effet, le respect des droits des minorités sexuelles et de genre devient un enjeu transversal dans la sphère administrative et commerciale.
Identité de genre : Un tournant pour les entreprises et les administrations ?
Si cette décision est une victoire pour les minorités, elle soulève des questions pour les entreprises comme la SNCF. Comment adapter les systèmes informatiques pour répondre à ces nouvelles normes ? Combien de temps faudra-t-il pour mettre en œuvre ces changements ?
Pour les usagers, cette transformation administrative pourrait signifier des échanges plus neutres et inclusifs, sans qu’une information aussi personnelle que l’identité de genre soit systématiquement demandée.
La décision de la CJUE du 9 janvier 2025 constitue un jalon important dans la reconnaissance des droits des personnes LGBT+ et dans l’évolution des pratiques administratives en Europe. Elle illustre comment une simple case à cocher peut incarner des enjeux bien plus vastes, liés au respect des libertés individuelles et à l’inclusion sociale. Alors que les entreprises françaises et européennes s’adaptent, ce jugement pourrait être le premier d’une série de réformes destinées à éliminer les discriminations structurelles.