Des refus opaques, des critères fluctuants, des familles en détresse. Au cœur de cette nouvelle bataille pour l’instruction en famille (IEF), une question obsédante : à qui revient le droit d’éduquer ?
Instruction en famille (IEF) : des actions individuelles pour défendre la liberté d’instruction

Jeudi 24 avril 2025, la controverse sur l’IEF s’enflamme au rythme des refus administratifs. Tandis que les familles invoquent le droit fondamental de choisir leur mode d’instruction, les gouvernements successifs verrouillent la pratique. Une riposte s’organise : l’action individuelle initiée par le cabinet Guyon s’annonce comme le catalyseur d’un bras de fer juridique et politique.
IEF : quand le droit d’éduquer devient une affaire d’État
Depuis la loi du 24 août 2021, l'instruction en famille (IEF) est soumise à un régime d'autorisation préalable. Exit la simple déclaration en mairie : désormais, les parents doivent prouver leur “légitimité” selon des critères étroits. Parmi eux : l’état de santé de l’enfant, un handicap, une pratique artistique ou sportive intensive, l’itinérance ou l’existence d’un projet éducatif personnalisé. Autant dire un parcours du combattant.
À Saint-James, début 2025, des parents épuisés par ces démarches kafkaïennes ont interpellé la sénatrice Béatrice Gosselin. L'un d'eux s’insurge : « Nous mettons toute notre énergie dans ces dossiers, mais ils sont jugés à la va-vite par des personnes qui, pour certaines, sont ouvertement hostiles à l’IEF ». D'autres dénoncent une hypocrisie administrative : des enfants malades contraints d’aller à l’école « pour améliorer les statistiques de scolarisation ».
En 2024, 35 784 demandes d’IEF ont été déposées. 22 963 ont été acceptées, soit 74,1 %, selon une réponse officielle publiée par le Sénat. Un chiffre qui masque mal des disparités criantes entre académies, où les refus motivés par le “projet pédagogique insuffisant” fleurissent comme des bulletins automatiques.
IEF : la riposte juridique s’organise en action individuelle
Le 25 avril 2025, le cabinet montpelliérain de Maître David Guyon annonce une riposte nationale. À travers une action individuelle, des familles vont déposer des recours contre les refus abusifs et les injonctions injustifiées. Objectif ? Obtenir justice au cas par cas… et forcer le débat de fond. « L’instruction en famille est un droit fondamental […]. Notre action vise à rétablir une égalité de traitement et à défendre ce choix éducatif qui appartient aux parents, et non à l’État », martèle Me Guyon.
Ce n’est pas la première tentative. En 2022 déjà, le Conseil d’État rappelait que l’autorisation devait être fondée sur des justifications “étayées” du projet éducatif. Mais depuis, les refus se sont multipliés, au point que la médiatrice Catherine Becchetti-Bizot parle d’une “flambée des réclamations” : en 2023, plus de 300 saisines, soit une multiplication par dix par rapport à l’année précédente.
IEF : un terrain miné entre méfiance institutionnelle et droit parental
La loi de 2021, officiellement conçue pour lutter contre le séparatisme, a profondément modifié le rapport entre familles et État. Elle a instauré un climat de défiance et rigidifié l’instruction publique. Pour beaucoup de parents, c’est un recul démocratique. Ils dénoncent des contrôles humiliants, des demandes de dossiers médicaux intrusifs, et des décisions incohérentes. Certaines familles, autorisées pour un aîné, se voient refuser l’IEF pour le cadet… au sein de la même académie. « L’incompréhension est particulièrement forte dans les familles qui ont fait le choix de l’IEF pour les aînés et se sont vu refuser leurs demandes pour leur dernier enfant », note la médiatrice dans son rapport 2023.
Pour beaucoup, le combat va bien au-delà de l’école : il touche à une liberté fondamentale. L’éducation serait-elle désormais une compétence exclusive de l’État ? Ou reste-t-elle un droit des parents garanti par la Constitution et les traités internationaux ? Pour certains enfants, l'Instruction en famille est presque une question de survie, que ce soit à cause de la violence à l'école ou, dans certains lieux, à l'islamisme rampant qui y règne.
L’action individuelle portée par le cabinet Guyon pourrait bien marquer un tournant stratégique. Mais au-delà des juridictions, c’est dans l’opinion publique que la lutte s’intensifie. À mesure que les familles témoignent, s’organisent, contestent, la légitimité du modèle administratif imposé vacille. En 2025, l’IEF n’est plus une niche marginale : c’est le champ de bataille d’un conflit politique majeur sur la définition même du droit à l’éducation.