La volonté récurrente de la présidente du Front National, Marine Le Pen, de dédiaboliser son parti et de l’inscrire dans la lignée des partis politiques classiques, pour prendre de la distance par rapport à ses excès, cumulé à son échec aux dernières élections présidentielles, a abouti à la dernière actualité en date : sa volonté de modifier le nom du Front National pour le faire évoluer en « Rassemblement National ».
La présidente du FN a ainsi exprimé sa décision de fusionner le Rassemblement Bleu Marine et l’ancien Front. Sauf que la tache ne semble pas si aisée, les enjeux du droit de la propriété intellectuelle venant poser la question des droits sur les noms de partis politiques déposés en tant que marque, mais également en tant que dénominations sociales.
En effet, au regard du nombre conséquent de marques déposées portant sur le même signe ou sur un signe similaire, la question de la validité du signe « Rassemblement national » se pose aujourd’hui. Ce signe court ainsi le risque d’une action en opposition contre la demande d’enregistrement auprès de l’Institut national de la propriété industrielle, ou d’une action en contrefaçon si la marque venait à être déposée.
Le droit des marques pose en effet comme principe que pour être valide, un signe doit être disponible, c’est-à-dire qu’il ne peut faire l’objet d’un enregistrement s’il existe un signe identique ou similaire antérieur, source de confusions, dans les mêmes classes de produits et services. Or, il s’avère que le signe « Rassemblement National » a déjà fait l’objet, respectivement en 2012, 2013 et 2016, d’enregistrements pour les marques verbales et/ou semi-figuratives suivantes : « Alliance pour un rassemblement national », « RN Rassemblement national » et « Le rassemblement national », chacunes dans les classes 16, 35, 38 et 41.
En outre, il existe un grand nombre d’associations oeuvrant dans la vie politique et dont les dénominations sociales comportent les termes « rassemblement national », et notamment :
- Rassemblement national - r.n (publié en 2014), dont l’objet est de concourir à l’expression du suffrage universel dans le respect des valeurs de la République, Liberté, Égalité, Fraternité, des principes fondamentaux consacrés par la constitution, de l’unité de la République et de l’indépendance de la Nation ; il s’agit pour le rayonnement de la France dans le monde, pour la pérennité de la nation française, de son identité et de sa culture, pour le développement de la francophonie, pour la construction d’une Europe libre et démocratique et pour le progrès de la démocratie dans le monde.
- . Rassemblement national des citoyens apolitique - R-N-C-A (publié en 2010), dont l’objet est d’informer les citoyens des réunions politiques par les médias, les informations de la vie courante et des idées de chacun pour permettre un débat d’opinion ouvert à tous ; Informer et proposer des idées innovantes en politique d’ouverture sur les diverses thématiques de l’emploi, de l’urbanisme, de l’écologie et de tous autres domaines de notre société et d’en débattre sur les forums RNCA.
- Rassemblement national populiste, dénomination sociale enregistrée depuis 1996.
Suite à l’annonce de Marine Le Pen, Igor Kurek, personnage politique gaulliste et proche de Charles Pasqua, et à la tête de l’association politique « Rassemblement National » a affirmé vouloir contester le dépôt potentiel de ce signe, bien qu’il ne soit pas lui-même titulaire des marques portant le même nom.
Derrière ces enjeux de propriété intellectuelle se cachent évidemment les batailles politiques et la volonté des partis et des personnalités politiques de marquer l’opinion publique. On soulèvera pour finir le paradoxe de Marine Le Pen, qui affirme vouloir adoucir l’image de son parti tout en reprenant le nom du Rassemblement national populaire (RNP), ancien parti politique français fasciste et collaborationniste, fondé par Marcel Déat en février 1941 et actif jusqu'en 1944.