Après des élections législatives anticipées marquées par un bouleversement du paysage politique, Friedrich Merz semble en passe de succéder à Olaf Scholz à la chancellerie. Mais derrière cette victoire des conservateurs, un autre fait inquiète : la montée inédite de l’extrême droite. Comment l’Allemagne en est-elle arrivée là, et quelles seront les conséquences de ce scrutin pour l’avenir du pays et de l’Europe ?
Législatives en Allemagne : victoire des conservateurs et un score historique de l’extrême droite

Législatives : une victoire moins large qu’attendue pour la CDU/CSU
Le 23 février 2025, les élections législatives allemandes ont donné la victoire aux conservateurs de la CDU/CSU, dirigés par Friedrich Merz. Avec 28,6 % des suffrages, leur score reste inférieur aux attentes, mais leur position de premier parti leur confère un mandat clair pour former un gouvernement. Loin de la large majorité espérée, la CDU/CSU devra composer avec un paysage politique fragmenté.
Le chancelier Olaf Scholz et son Parti social-démocrate (SPD) subissent, quant à eux, une déroute historique avec seulement 16,4 % des voix, leur pire score depuis l’après-guerre. Olaf Scholz a reconnu sa "dure" défaite et assumé la responsabilité du mauvais résultat du SPD, sans évoquer son avenir politique. Il a également félicité Friedrich Merz pour sa victoire.
Malgré sa victoire, Friedrich Merz doit désormais former une coalition gouvernementale pour devenir le prochain chancelier allemand et succéder à Scholz. Le FDP, partenaire naturel des conservateurs, échoue à franchir le seuil des 5 % et ne siégera pas au Bundestag. Son Président Christian Lindner a décidé par conséquent de se retirer de la vie politique.
Pour obtenir une majorité, Merz pourrait ainsi devoir se tourner vers ses rivaux sociaux-démocrates, renouvelant l’expérience d’une "grande coalition", déjà éprouvée par le passé.
Si la CDU/CSU célèbre sa victoire, un autre parti peut revendiquer un succès historique : l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Avec 20,8 % des voix, l’extrême droite réalise son meilleur score depuis sa création en 2013, confirmant sa progression rapide. En l’espace de quatre ans, le parti nationaliste et anti-migrants a doublé son nombre d’électeurs.
Ce résultat témoigne d’un mécontentement profond au sein de la population. L’inflation persistante, la crise énergétique et les récents attentats sur le sol allemand ont renforcé un sentiment d’insécurité, exploité habilement par l’AfD lors de sa campagne. À cela s’ajoute un soutien international inédit, notamment de la part d’Elon Musk et des proches de Donald Trump, qui ont amplifié sa visibilité.
Malgré son ascension, l’AfD demeure isolée sur la scène politique. Tous les partis traditionnels, y compris Friedrich Merz, refusent toute alliance avec la formation d’extrême droite, malgré la volonté du parti d'Alice Weidel et d'un "flirt parlementaire" entre les conservateurs et l'Afd au sujet de l'immigration. Toutefois, son nouveau statut de premier parti d’opposition lui accorde des privilèges : plus de temps de parole au Parlement et la présidence de commissions stratégiques. Une influence qui pourrait progressivement façonner l’agenda politique du pays.
Friedrich Merz doit maintenant former une coalition gouvernementale pour devenir Chancelier
À 69 ans, Friedrich Merz voit enfin s’ouvrir les portes de la chancellerie après des années d’attente et de rivalité avec Angela Merkel. Homme de droite assumé, il incarne une rupture nette avec la modération de son illustre prédécesseur. Son programme annonce un virage économique libéral et une politique étrangère plus indépendante des États-Unis, avec un renforcement des capacités de défense européennes.
Mais avant de gouverner, Merz doit trouver des alliés. La disparition du FDP du paysage parlementaire lui complique la tâche, le forçant à négocier avec le SPD, pourtant lourdement défait. Une coalition CDU/CSU-SPD, appelée "grande coalition", a déjà été expérimentée plusieurs fois en Allemagne, mais reste impopulaire.
Le futur chancelier souhaite aller vite : il vise la formation d’un gouvernement avant Pâques, un délai très court au vu des négociations généralement laborieuses en Allemagne. En 2021, Olaf Scholz avait mis 73 jours pour constituer sa coalition, et Angela Merkel en 2017 avait eu besoin de six mois.
Ce séisme politique dépasse largement les frontières allemandes. L’Europe observe de près cette nouvelle configuration qui pourrait redéfinir le rôle de l’Allemagne sur la scène internationale. L’une des premières déclarations de Friedrich Merz a été d’affirmer sa volonté de diminuer la dépendance militaire de l’Europe vis-à-vis des États-Unis et de renforcer une capacité de défense européenne autonome.
Le président français Emmanuel Macron a félicité Friedrich Merz, assurant une volonté commune de renforcer le partenariat franco-allemand. À l’inverse, Donald Trump s’est réjoui du score de l’AfD, qualifiant cette élection de "grand jour pour l’Allemagne et les États-Unis".
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exprimé son impatience de poursuivre la coopération pour la paix et le renforcement d'une Europe capable de se défendre.