L’industrie, grande perdante de la motion de censure

L’instabilité politique en France, illustrée par la récente motion de censure, met en lumière une incapacité croissante à défendre ses intérêts industriels dans un contexte européen en pleine mutation. Pendant que l’Union européenne avance ses pions sur des dossiers clés tels que la décarbonation ou les accords commerciaux, la France se retrouve paralysée, affaiblie dans ses positions et incapable de peser efficacement.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 18 décembre 2024 à 13h29
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La paralysie française : une incapacité à défendre ses intérêts industriels

La motion de censure, au-delà de ses implications politiques internes, illustre la difficulté de la France à maintenir une trajectoire stable dans la défense de son tissu industriel. En bloquant des réformes indispensables à la modernisation des infrastructures et à l’accompagnement de la transition énergétique, cette instabilité freine la capacité du pays à s’aligner sur les grands projets européens.

À l’échelle européenne, la France voit sa voix s'affaiblir face à des États membres plus unis et stratégiques dans la défense de leurs intérêts. Le dossier nucléaire en est un exemple frappant. Alors que 70 % de l'électricité française provient de l'atome, une majorité de pays membres, influencés par des positions idéologiques ou concurrentielles, rejettent catégoriquement cette source d'énergie dans la taxonomie verte européenne. Ce rejet prive la France d’un levier décisif pour réduire les coûts énergétiques de son industrie. Pendant ce temps, des pays comme l'Allemagne, bien qu’en transition post-charbon, parviennent à orienter les priorités européennes vers les énergies renouvelables. L'absence de consensus européen autour du nucléaire handicape la France, qui reste isolée dans cette bataille et se voit même reprocher la faible part des énergies renouvelables dans sa production d’électricité, alors même que cette dernière est majoritairement décarbonée grâce au nucléaire.

L’offensive européenne : des initiatives coûteuses pour la France

Les nouvelles directives européennes génèrent des coûts disproportionnés pour certaines industries françaises. La directive anti-greenwashing, par exemple, impose des exigences de transparence accrues aux entreprises. Si ces normes visent à renforcer la compétitivité durable des acteurs européens, elles risquent de pénaliser les industries françaises déjà en difficulté.

Prenons l’exemple du secteur de la chimie, où la France détient une part significative de la production européenne (15 %). Il subit de plein fouet les restrictions envisagées sur les PFAS, ces substances chimiques perçues comme nocives. L’adaptation à ces nouvelles règles nécessitera des investissements massifs dans des technologies alternatives, sans garantie de rentabilité à court terme. D’autant que ces alternatives ne présentent pas non plus de garantie du point de vue sanitaire.

Comment l’industrie pourrait suivre le même chemin que l’agriculture

L'accord UE-Mercosur, qui prévoit une libéralisation des échanges entre l'Europe et les pays sud-américains, illustre les contradictions de la politique commerciale européenne. Si cet accord favorise les exportations industrielles allemandes (automobiles, produits chimiques), il expose l'industrie agroalimentaire française à une concurrence déloyale. Les importations massives de viande bovine sud-américaine, produite à des coûts très bas et selon des normes sanitaires moins strictes, mettent en péril des filières déjà fragiles.

Les éleveurs français, contraints de respecter des standards élevés, peinent à rivaliser. Cette situation, qualifiée de « concurrence déloyale » par plusieurs associations professionnelles, reflète un déséquilibre structurel dans la manière dont l’Europe négocie ses accords internationaux. En somme, alors que l’Allemagne sait très bien jouer des coudes pour faire avancer son agenda, la France joue les variables d’ajustement et semble s’en contenter.

L’industrie française : une marginalisation croissante

Les choix européens actuels, combinés à la paralysie politique française, creusent un fossé entre la France et ses partenaires européens. Les investissements nécessaires pour la décarbonation des industries lourdes sont estimés à 800 milliards d’euros à l’échelle européenne d’ici 2050. Pourtant, la France accuse un retard dans la mobilisation des ressources nécessaires, laissant ses entreprises exposées à une perte de compétitivité face à leurs concurrentes européennes et mondiales. Par ailleurs, des secteurs clés comme l’automobile subissent une pression accrue de la part de pays à bas coût, notamment en Europe de l’Est, où les investissements en infrastructures industrielles sont soutenus par des fonds européens.

De plus, le manque de vision stratégique dans le domaine énergétique aggrave les difficultés de l’industrie française. L’absence de plan concret pour valoriser le potentiel nucléaire dans la transition énergétique freine les avancées nécessaires à une industrialisation compétitive et décarbonée. Ce retard contraste avec l’Allemagne, qui a su imposer un leadership dans les énergies renouvelables. En parallèle, les importations croissantes de véhicules et d’équipements industriels depuis des pays à bas coûts (hausse de 25 % en 2024) témoignent de la perte de souveraineté industrielle française. 

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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