Loi sur les PFAS : Une loi poussée par l’activisme ?

Depuis plusieurs années, les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont la cible d’une offensive militante intense. Générations Futures, ONG engagée dans la dénonciation des substances chimiques dans l’environnement, a lancé en 2019 une campagne visant à démontrer la dangerosité supposée des PFAS, accusées de provoquer cancers, troubles immunitaires et maladies neurologiques. Soutenue par des personnalités médiatiques comme Nagui ou Guillaume Meurice, cette campagne a trouvé un relais politique avec le député écologiste Nicolas Thierry (EELV, Gironde), qui a porté un projet de loi ambitieux visant à interdire ces substances en France avant même la mise en place d’une réglementation européenne.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 18 février 2025 à 10h55
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Le 12 février 2025, la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale a validé la proposition de loi interdisant les PFAS dans les textiles, cosmétiques et emballages alimentaires dès le 1er janvier 2026. L’interdiction totale s’étendrait d’ici 2030, avec une seule réserve : les "usages essentiels", qui seront définis par décret.

Cette approche tranche avec celle de l’Union européenne, qui procède à une évaluation détaillée des différents types de PFAS avant toute interdiction. Bruxelles reconnaît que certaines de ces substances posent problème, mais distingue aussi les fluoropolymères, qui ne sont ni bioaccumulables ni toxiques, et qui sont largement utilisés dans les industries de pointe comme la médecine, l’automobile ou l’aéronautique.

Une décision sans étude d’impact, fondée sur une angoisse populaire

L’un des éléments les plus frappants dans ce dossier est l’absence totale d’étude d’impact économique et industriel sur l’application de cette loi. Comme le rappelle Géraldine Woessner, aucun document officiel ne distingue les PFAS toxiques des polymères fluorés, ces derniers étant pourtant utilisés dans des équipements médicaux (stents, veines artificielles), dans l’aéronautique et dans des composants essentiels à la sécurité automobile (Le Point).

Le gouvernement, pourtant conscient des risques, a préféré céder à la pression médiatique. Un conseiller du ministère de la Transition écologique aurait admis en privé que les textes ont été rédigés sous la pression des ONG et non sur la base de considérations scientifiques. Plusieurs députés de la majorité Renaissance expriment leur malaise face à une décision qui pourrait mettre en péril des milliers d’emplois dans le secteur textile et chimique. Mais aucune voix discordante ne s’élève ouvertement, tant la peur d’être accusé de "défendre les pollueurs" pèse sur les débats.

L’industrie textile française alerte depuis plusieurs mois sur l’impact économique désastreux qu’aurait une interdiction radicale. Olivier Balas, vice-président de la Fédération Textile, avertit que 40% des activités textiles en Auvergne-Rhône-Alpes seraient menacées. Les alternatives actuelles aux PFAS sont non seulement plus coûteuses, mais aussi moins efficaces. « Mais dans certaines applications, les PFAS sont très difficiles à remplacer, par exemple, dans les dispositifs médicaux, les équipements des pompiers ou la transition énergétique. En fait, dès qu’on a besoin de propriété de résistance mécanique, à la chaleur, à l’eau… Je souhaite que la France se positionne dans les pays européens à l’avant-garde de ce sujet », concède Agnès Pannier-Runacher sur Le Parisien.

Les clivages politiques : une opposition désorganisée, un RN en embuscade

Alors que les écologistes et la gauche soutiennent cette interdiction comme un combat sanitaire et environnemental, le gouvernement lui-même semble piégé par cette dynamique. Le groupe Renaissance se retrouve coincé entre l’obligation de soutenir une initiative populaire et les préoccupations de ses propres députés. Certains, comme Danielle Brulebois, s’inquiètent de l’impact sur les industries de leur circonscription, mais ils sont isolés et peu soutenus.

La droite classique, notamment Les Républicains, critique un texte dogmatique et précipité, sans parvenir à fédérer une opposition forte. Le Rassemblement National, en revanche, joue une carte habile. Marine Le Pen dénonce une mesure dictée par une idéologie écologiste punitive, affirmant que « cette loi va tuer notre industrie et forcer les Français à acheter des produits chinois moins durables ».

Un choix politique qui risque de favoriser les importations et de fragiliser la souveraineté française

L’une des grandes contradictions de cette loi réside dans son absence de contrôle sur les produits importés. En interdisant les PFAS en France sans mécanisme contraignant au niveau européen, le marché français risque d’être inondé de produits étrangers ne respectant pas ces nouvelles normes.

D’un point de vue environnemental, l’impact réel d’une interdiction française isolée pourrait être quasi nul. La plupart des rejets de PFAS dans l’environnement en France proviennent de seulement deux sites industriels, et des investissements modestes permettraient déjà de réduire ces rejets de 90%. Ces données, pourtant disponibles au ministère de l’Environnement, n’ont jamais été mises en avant dans le débat public.

À court terme, le vote du 20 février 2025 ne fait guère de doute. La majorité présidentielle et la gauche voteront en faveur du texte, le RN et une partie de la droite s’y opposeront, mais sans rassembler suffisamment de voix pour empêcher son adoption. Reste à savoir si cette loi survivra aux prochaines élections et aux tensions industrielles qu’elle risque d’engendrer.

Les entreprises textiles et chimiques envisagent déjà des recours juridiques, tandis que les syndicats s’inquiètent des licenciements à venir. En attendant, la politique française semble une nouvelle fois captive d’une législation précipitée, où l’idéologie et l’émotion ont pris le pas sur l’expertise scientifique et l’évaluation économique.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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