Macron a prononcé son discours devant le Congrès à Versailles. Son texte a continué à énumérer les poncifs et les paroles creuses. S’est-il rendu compte qu’il n’était plus en campagne?
Incontestablement, le discours de Macron à Versailles creusera le fossé entre ceux qui n’en peuvent plus de sa rhétorique vide, et ceux qui s’en bercent. Chacun a compris que l’auteur de ces lignes appartient à la première catégorie et que les soixante minutes de figures de style toute droit sorties de classe prépa Sciences-Po lui suscitent peu de sympathie. Les autres modéreront à leur gré.
Pendant vingt-cinq minutes, nous avons d’abord reçu une leçon de morale nous appelant à la retenue. Nous, à qui fut volée l’élection présidentielle par une campagne de presse sous la ceinture qui visait à abattre deux candidats, nous devrions aujourd’hui fermé les yeux sur les affaires Ferrand, Bayrou, de Sarnez, Pénicaud… Que ne l’avons-nous entendu lorsque la boue arrangeait bien le candidat Macron.
Au bout de vingt-cinq minutes, le Président a fait mine d’aborder les sujets qui fâchent, par exemple la lutte contre la prolifération administrative ou la réduction du nombre de parlementaires. Il paraît que l’ensemble serait réduit d’un tiers (Assemblée, Sénat, CESE), « en veillant à la juste représentation de tous les territoires de la République ». Mais pourquoi cette annonce est-elle noyée dans autant de périphrases gluantes comme un miel au soleil?
Macron fixe le sens du quinquennat
Il paraît que tout cela s’appelle fixer le sens du quinquennat. Mais, si le sens du quinquennat est d’écouter les monologues d’un Président qui s’écoute lui-même, on risque de trouver rapidement l’exercice un peu absurde.
Après avoir à peine effleurer les sujets, Macron a en effet sombré à nouveau dans une rhétorique très pompier qui lasse, où passent des messages inquiétants. En particulier, le Président croit semble-t-il que l’efficacité de son mandat tient au pouvoir donné à ses directeurs d’administration centrale plutôt qu’à ses ministres, et nous prenons ici les paris qu’il commet une erreur fondamentale. Ou alors il faut qu’il change complètement son casting de directeurs.
Il a fallu 37 minutes pour que le Président annonce l’introduction d’une dose de proportionnelle dont il n’a pas donné les contours. À la 38è minute, Emmanuel Macron est passé au CESE dont, au lieu d’annoncer la fusion avec le Sénat, il a proposé le changement des règles de représentativité. Mais, là encore, on n’a pas bien compris en quoi consisterait exactement la réforme.
À la 41è minute, le Président a fait une nouvelle pirouette. Il annonce que les ministres doivent être comptables de leur administration, mais c’est déjà le cas, depuis 1789! Et hop, ce faisant, il annonce la fin de la Haute Cour de Justice et la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Une fois ces quelques réformes très centristes exposées, Emmanuel Macron est passé à la menace: si le Congrès n’adopte pas à terme la réforme, il utilisera le referendum.
À 15h45, l’affaire était pliée et le discours a pu retomber dans son enfilade de platitudes sur tous les sujets. C’est sous un chapelets de litanies pleines de morale qu’on a ainsi entendu parler de confiance avec les territoires. Accessoirement, Macron a expliqué que les lois liberticides allaient être renforcées pour lutter contre le terrorisme. En même temps, on est libre, en même temps, on est surveillé.
Le discours a ensuite continué par une exaltation du « socle de fraternité », « engagement chaque jour répété ». Que retiendra-t-on de ce dernier passage? Pas grand chose: des intentions, du blabla, des beaux mots que le Président s’écoute débiter, comme s’il était seul au monde, comme s’il s’approchait du nirvana de l’amour narcissique.
À 16h03, Emmanuel Macron a déclaré son intention de « redonner place à l’intelligence française ». Là encore, il y a ceux qui adorent ces diatribes, et ceux qui ont envie de lui répondre qu’elle n’a jamais cessé. Mais, de même que le Président croit que la France résiste aux réformes en se cabrant, il croit aussi qu’elle n’est plus assez aux mains des élites.
Là encore, le diagnostic macronien d’une France trop peu encadrée par ses élites repose, selon nous, sur une erreur d’appréciation totale, qui finira par lui coûter cher.
Ce discours creux s’est achevé par une tirade sur la politique étrangère et sur les devoirs de la France pour préserver la paix. Là encore, les auditeurs ont eu droit à une multitude de lieux communs prononcés avec un air inspiré. Le Président a expliqué qu’il fallait partout trouver des solutions politiques, même avec des gens qui ne partagent pas nos valeurs.
Bon… ben voilà… il y a ceux qui seront convaincus, et ceux qui ne le seront pas.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog