Dans une interview accordée au Parisien, l’ancien porte-parole du gouvernement soigne son image et tente déjà de séduire les habitants de la capitale. Face à l’afflux de candidats estampillés LREM, Benjamin Griveaux a décidé de se démarquer en partant très tôt pour la bataille de Paris. Mais l’Élysée pourrait être réticent à adouber un candidat au passé problématique pour une élection si stratégique.
Et de cinq ! Dimanche soir, Hugues Renson le vice-président de l’Assemblée nationale annonçait dans le 15e arrondissement sa volonté de briguer la mairie de Paris. Une candidature qui s’ajoute à celles de quatre autres « Marcheurs », Anne Lebreton, Cédric Villani, Mounir Mahjoubi et Benjamin Griveaux.
Un joli embouteillage, alors que le parti la République en Marche devra décider avant l’été qui sera chargé de porter ses couleurs pour les élections municipales de 2020. De nombreux candidats qui redoutent d’ailleurs que le Premier ministre Édouard Philippe, ancien maire du Havre et fidèle du président, soit finalement choisi par l’Élysée pour représenter la majorité gouvernementale à Paris.
Dans le camp des macroniens, cela fait donc pas moins de six potentiels candidats. Et si la mariée a autant de prétendants, c’est que la mariée est belle : les dernières élections européennes ont révélé une sociologie électorale dans les arrondissements de la capitale de plus en plus avantageuse pour le parti présidentiel. Une bonne partie de l’électorat de la droite traditionnelle des beaux quartiers n’a pas hésité à abandonner les Républicains pour confier son vote à LREM. Métropole connectée à la mondialisation, progressiste et plutôt aisée, réunissant les bourgeoisies de droite et de gauche, Paris est plus que jamais le terrain de jeu électoral idéal pour la République En Marche.
Un candidat parti trop tôt ?
Droite disparue, centre acquis, gauche dispersée « aux quatre coins de Paris façon puzzle » : pour les prochaines élections municipales, la victoire semble toute acquise pour la formation d’Emmanuel Macron. Une autoroute vers le succès qui attise les convoitises et qui explique la stratégie déployée par Benjamin Griveaux et ses proches : imprimer rapidement son image dans le paysage politique parisien pour se démarquer, s’imposer comme le candidat naturel de LREM à Paris et acquérir ainsi l’investiture du parti.
Mais plus une campagne politique démarre tôt, plus le candidat s’expose à des attaques et des erreurs. Cherchant à casser son image trop froide et incarner « le Parisien moyen », Benjamin Griveaux multiplie les maladresses de communication. Le 16 janvier dernier, dans une interview accordée au média social Brut, celui qui était alors secrétaire d’État et porte-parole du gouvernement confiait qu’il était locataire à Paris, car « le prix du mètre carré est trop cher ».
Une tentative pour susciter l’empathie qui n’a remporté que des sarcasmes et des polémiques : la presse s’est empressée d’étaler les revenus du responsable politique dans ses colonnes pour démontrer qu’il avait largement les moyens d’acheter un appartement dans la capitale, les réseaux sociaux ont tourné en ridicule les propos du secrétaire d’État tandis que des internautes moqueurs mettaient en ligne une cagnotte pour « aider Benjamin Griveaux à se payer un logement ».
Un « bad buzz » qui avait conduit le candidat à la Mairie de Paris à se faire plus discret dans les médias pendant quelques semaines. Mais sa longue interview accordée au Parisien samedi 1er juin n’a pas dissipé les doutes autour de sa campagne.
Critiques d’Europacity : le candidat d’Unibail-Rodamco ?
Interrogé sur le bilan du gouvernement en matière de protection de l’environnement et sur les bons résultats des écologistes lors des derniers scrutins européens, Benjamin Griveaux a profité de son entretien pour critiquer… Europacity ! « Nous avons engagé la fermeture de Fessenheim, l’arrêt des centrales à charbon en 2022, stoppé le projet de Notre-Dame-des-Landes... On a fait beaucoup de choses. Mais il faut aller plus vite. Le projet EuropaCity, par exemple, est contraire aux principes que l’on défend. Il ne faut pas le faire ».
Une réponse surprenante, qui n’aborde pas les dossiers des transports dans la capitale, de la pollution ou même du développement de l’agriculture urbaine. Mais Europacity n’est pas seulement un immense et contesté projet de centre de loisirs : il doit ouvrir ses portes en 2027, dans le Val d’Oise, au grand dam du centre commercial Aéroville situé à quelques kilomètres de là et propriété d’Unibail Rodamco… ancien employeur de Benjamin Griveaux.
Mastodonte économique, premier groupe de l’immobilier commercial au monde, Unibail-Rodamco est un acteur incontournable de la vie économique parisienne, propriétaire notamment du forum des Halles ou du Carrousel du Louvre. Entre 2014 et 2016, Benjamin Griveaux fut directeur de la communication et des affaires publiques de l’entreprise.
Et comme l’avait souligné la Lettre de l’Expansion en novembre 2018, ce n’est pas la première fois que l’ancien salarié d’Unibail-Rodamco monte au créneau pour critiquer Europacity, un projet qui va concurrencer son ex-employeur en Île-de-France.
Celui qui déclare qu’il « faut en finir avec la gestion clanique de Paris » n’a peut-être pas tout à fait rompu avec son ancienne vie professionnelle et laisse planer le doute d’une candidature estampillée « Unibail ». Un élément que ses adversaires et ses futurs concurrents vont probablement utiliser en coulisse pour le disqualifier de la course à l’investiture LREM.
En effet, pour Emmanuel Macron, remporter les élections municipales et notamment la ville de Paris parachèverait un triomphe débuté lors de la Présidentielle et confirmé lors des élections européennes. Mais les polémiques autour du passé professionnel d’Edouard Philippe chez Areva ou d’Emmanuelle Wargon chez Danone ont laissé des traces et l'Élysée, étroitement à la manœuvre pour choisir « le meilleur candidat » pour porter ses couleurs et tenter de remporter la capitale, pourrait bien être tenté de choisir un candidat moins problématique.