Jeudi 27 mars 2025, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande de l’ex-PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, d’annuler le mandat d’arrêt international – l’un des deux – le visant.
Affaire Carlos Ghosn : (encore) un revers pour l’ex-PDG de Renault-Nissan, quid de Dati ?

C’est un feuilleton judiciaire qui n’en finit plus. L’ancien PDG de Renault-Nissan, installé au Liban depuis 2019, contestait cette procédure au motif qu’il ne pouvait légalement se rendre en France. Les magistrats ont rejeté l’ensemble des arguments de ses avocats. Dans cette affaire, une autre personnalité de haut vol est visée : Rachida Dati, ancienne garde des Sceaux, actuelle ministre de la Culture et maire du 7e arrondissement de Paris, accusée d’avoir perçu plusieurs centaines de milliers d'euros dans le cadre d'un contrat de conseil datant de 2009. Si la justice française durcit le ton, l’exécutif, lui, se garde bien de dire un mot.
La Cour d'appel de Paris maintient le mandat d'arrêt international contre Carlos Ghosn
La décision de la Cour d’appel de Paris est ferme : le mandat d’arrêt délivré en avril 2023 à l’encontre de Carlos Ghosn reste valide. Le fondateur de l’alliance Renault-Nissan, réfugié au Liban – dont il a la nationalité – depuis sa fuite spectaculaire du Japon fin 2019, avait déposé plusieurs requêtes pour obtenir la nullité de l'un des deux mandats d'arrêt international émis par la justice française à son encontre. Il invoquait notamment son impossibilité de quitter le Liban, du fait d'être soumis à une interdiction de quitter le territoire, et, avec elle, de ce qu'il considère comme une atteinte à ses droits de la défense. Des arguments qui ont été balayés par la Cour d'appel de Paris, celle-ci arguant que le cadre légal français permettait, en l’état, d’émettre un mandat contre une personne résidant à l’étranger, sans convocation préalable : « la loi française prévoit que le fait d’être à l’étranger peut justifier un mandat d’arrêt sans même essayer de faire venir la personne » (AFP).
Malgré la stratégie procédurale engagée par ses avocats, la justice française a jugé irrecevables ses contestations, y compris la question prioritaire de constitutionnalité déposée en février 2025. Cette offensive judiciaire visait à remettre en cause l’usage même du mandat d’arrêt international. Un nouvel échec pour Carlos Ghosn, son équipe a annoncé son intention de déposer un pourvoi en cassation.
Affaire Dati : un silence qui interroge...
Dans le même dossier, la ministre de la Culture, Rachida Dati, nommée en juillet 2023, est, elle aussi, mise en examen, depuis 2021 pour « recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance », « corruption et trafic d’influence passifs par personne investie d’un mandat électif public au sein d’une organisation internationale ». Entre 2010 et 2012, alors qu’elle était députée européenne, Rachida Dati aurait perçu 900 000 euros de la part de RNBV, une filiale de Renault-Nissan, dans le cadre d’un contrat de conseil. Nonobstant, la justice française estime que ces prestations n’ont jamais été formellement prouvées. En novembre 2024, le parquet a demandé son renvoi devant un tribunal correctionnel, aux côtés de Carlos Ghosn. Pour autant, Rachida Dati reste donc en poste, et continue de diriger la mairie du 7e arrondissement de Paris. Elle est même présentée comme l'un des candidats favoris pour les municipales de Paris de 2026... En dépit de ces lourdes accusations, la ministre de la Culture ne semble pas s'en inquiéter outre mesure - bien au contraire - ni l'exécutif, ni les médias, d'ailleurs. À titre de comparaison, en effet, on peut citer l’acharnement médiatique qu’il y a eu dans l’affaire Cahuzac — ex-ministre du Budget sous François Hollande — ou encore celui qui pèse aujourd’hui sur la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, dans l’affaire des assistants parlementaires du RN (ex-FN) — laquelle connaîtra son sort d’ici au lundi 31 mars 2025. Rappelons, à toutes fins utiles, qu’à la différence de M. Cahuzac ou de Mme Dati, la présidente du RN n'est pas membre du gouvernement.
Le silence de l’exécutif est d’autant plus significatif qu’il ne s’agit pas là d’un cas isolé. Rappelons-nous en effet de l'affaire Agnès Firmin Le Bodo - — nommée ministre de la Santé par intérim alors qu’elle faisait l’objet d’une enquête judiciaire pour des cadeaux non déclarés —, l’affaire Benalla, celle des Mutuelles de Bretagne dans laquelle Richard Ferrand, ex-ministre, ancien président de l’Assemblée nationale et désormais président du Conseil constitutionnel, était compromis — et qui a finalement été relaxé en raison de la prescription des faits — celle visant Sylvie Goulard, ancienne ministre des Armées, ou encore Alexis Kohler, tout juste nommé à la direction de la Société Générale, après avoir été, pendant huit ans, le bras droit d’Emmanuel Macron en tant que secrétaire général de l’Élysée. Et l’on en passe, tant les noms de cette liste continuent de s’accumuler.
Il y a bien, çà et là, quelques affaires qui veulent faire figure d’exemple — en témoigne la condamnation requise par le PNF à l'encontre de l'ancien président Nicolas Sarkozy dans l'affaire des financements libyens. Pour autant, le silence général de la classe politique sonne, pour beaucoup, comme une confession. Toutes ces affaires, mises bout à bout, semblent en effet confirmer, pour une part grandissante des Français, que la compromission des élites — et plus spécifiquement celle qui touche l’exécutif — est systémique. Le refus du gouvernement de renouveler l’agrément d’Anticor en 2023 n’a fait qu’alimenter leur défiance envers la classe politique, leur donnant un peu plus encore le sentiment qu’il existe une justice à deux vitesses.