Martinique : le délitement de l’État de droit favorise le trafic de drogue

Depuis les eaux troubles de l’Atlantique jusqu’aux docks du Grand Port de Fort-de-France, la Martinique se mue en champ de bataille silencieux où l’État de droit vacille sous les assauts du narcotrafic sud-américain. Avec des saisies de cocaïne record et une violence endémique qui défie les institutions, l’île aux fleurs incarne désormais la faillite sécuritaire d’une France ultramarine en première ligne sur les routes mondiales de la drogue.

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Par La rédaction Politique Matin Publié le 11 avril 2025 à 7h03
Coup Genie Manuel Valls Drogue Darmanin Actualite Politique 14 Septembre 2020
@shutter - © PolitiqueMatin

28 tonnes de cocaïne saisies en 2024, un record. La Martinique s’est définitivement imposée comme un carrefour stratégique des routes mondiales de la drogue, pivot entre pays producteurs sud-américains et les marchés consommateurs européens. Preuve de cette emprise : l’interception spectaculaire, le 22 mars 2025, d’un navire brésilien chargé de 1,2 tonne de poudre blanche à 1 350 km des côtes par les Forces armées aux Antilles – un coup de filet qui s’ajoute aux 9 tonnes confisquées en janvier, révélant l’audace croissante des réseaux. Des chiffres qui sonnent comme un glas pour l’État de droit, confronté à ce que Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a qualifié de « risque existentiel » face à la « puissance de feu » d’un narcotrafic qui semble maître des flux entre l’Amérique latine et l’« île aux fleurs »

De fait, la situation est à la dérive depuis plusieurs années. Un rapport d’information de l’Assemblée nationale, rendu public le 17 février 2025, avance ainsi que la zone Antilles-Guyane pèserait désormais entre 15 et 20 % des importations de cocaïne à destination de l’Hexagone, avec des pics dépassant ce seuil lors des années marquées par un renforcement des contrôles sur d’autres axes. Le document souligne que la région antillaise est devenue un corridor privilégié pour les cartels sud-américains, qui exploitent sa géographie archipélagique et ses liaisons aériennes et maritimes directes avec l’Europe. Les saisies record effectuées ces dernières années – notamment via les conteneurs maritimes transitant par la Guyane ou les « mules » interceptées sur les vols internationaux – attestent d’une logistique sophistiquée, s’appuyant sur des complicités locales et une corruption endémique.

« L’infiltration de ces groupements au cœur même de l’administration fait courir un risque réel de déstabilisation de nos intuitions. En exploitant le fonctionnement de nos organisations démocratiques et les logiques de respect des libertés publiques qui animent l’État de droit, ces groupes criminels en défient le fonctionnement, ne respectant ni conventions internationales, ni ordre social établi » s’alarment les rapporteurs. L’insuffisance des moyens alloués aux douanes et à la gendarmerie, ainsi que la porosité des frontières maritimes, facilitent le transit de cargaisons en provenance du Venezuela, du Suriname ou du Brésil. Aussi, le Grand Port de la Martinique est devenu une étape privilégiée des trafiquants, en raison de ses infrastructures modernes et de sa position géostratégique au cœur des grands axes de transport maritime régional. En août 2024, 10 552 kilos de cocaïne ont été déchargés à Fort-de-France, soit la deuxième plus grosse saisie de la Marine nationale.

Cette crise est d’autant plus préoccupante qu’elle reflète le recul de l’État de droit et l’abandon des populations locales à la loi du plus fort. Selon l’atlas du SSMSI (Service statistique du ministériel de la sécurité intérieure), la hausse de la violence et du trafic d’armes en Martinique s’est traduite par une dégradation sinistre de la situation sécuritaire, les homicides ayant augmenté de 36% et les tentatives d’homicides de 138% entre 2023 et 2024. Un État de droit qui a également pris du plomb dans l’aile lors des émeutes de l’automne 2024 contre la vie chère ; les revendications légitimes des populations locales ayant vite été débordées par des rebelles violents et des anciens criminels, dont le chef de file Rodrigue Petitot, ancien trafiquant de drogue et récemment condamné pour intimidation d’élus. Habitué des violences multiples et ancien membre des réseaux de stupéfiants, l’importance médiatique prise par cet ancien délinquant à la tête du RPPAC a de quoi inquiéter ; notamment au vu de ses liens avec les dockers du Grand Port de Martinique – par lequel passe des dizaines de tonnes de cocaïne – qui lui ont manifesté un soutien sans faille.

Face à l’emprise grandissante des narcotrafiquants et aux soubresauts d’une violence endémique, la priorité de l’État réside désormais dans une reconquête sans compromis de l'État de droit et de la stabilité démocratique en Martinique. Les parlementaires, alertant sur la nécessité d’une réponse à la hauteur des enjeux, plaident pour un renforcement des coopérations régionales – intégrant États voisins et territoires ultramarins – et un déploiement massif de technologies de pointe dans les zones portuaires. Une urgence accentuée par l’ingéniosité des réseaux mafieux, qui redessinent sans cesse leurs routes pour défier les mailles d’un filet sécuritaire vulnérable.

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