Michel Barnier a été censuré, et maintenant ?

Le renversement du gouvernement Barnier par une motion de censure plonge la France dans une période d’incertitude politique et économique. Entre la nomination d’un nouveau Premier ministre, un budget reconduit à défaut et des réformes en suspens, les défis sont multiples.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 5 décembre 2024 à 8h57
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Avec la censure du gouvernement Michel Barnier, l’Assemblée nationale a provoqué une onde de choc à travers le paysage politique français. Désormais, le président Emmanuel Macron et les forces politiques du pays doivent affronter des choix cruciaux, allant de la nomination d’un nouveau chef de gouvernement à la gestion des finances publiques dans un contexte d’instabilité.

La recherche d'un nouveau Premier ministre : un compromis impossible ?

La première conséquence directe de la censure est la nécessité de trouver un successeur à Michel Barnier. Parmi les noms évoqués figurent Sébastien Lecornu, ministre des Armées, François Bayrou, président du MoDem, et François Baroin, ancien ministre et figure respectée des Républicains. Selon un proche de l’Élysée, « Emmanuel Macron souhaite un profil capable de rassembler et d'agir rapidement. »

D’un point de vue constitutionnel, Emmanuel Macron dispose d’une marge de manœuvre limitée. S’il privilégie une figure consensuelle, il devra également prendre en compte les rapports de force au sein de l’Assemblée. Comme le souligne la politologue Mathilde Lemoine, « le choix du Premier ministre sera déterminant pour éviter une nouvelle crise parlementaire. »

Un budget 2025 compromis

La censure a également bloqué l’adoption du budget pour 2025, une situation exceptionnelle. En l’absence de nouveau texte, le budget 2024 sera reconduit, avec des ajustements pour assurer la continuité des services publics. Cependant, cette reconduction n’est pas sans impact car, comme le disait Michel Barnier lors de son dernier discours, « la réalité budgétaire ne disparaîtra pas avec la censure ». Le gel du barème fiscal entraînera une augmentation pour 17,6 millions de ménages, générant 3 milliards d'euros supplémentaires pour les caisses de l’État. En revanche, des initiatives comme la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises ou l'impôt minimal pour les hauts revenus resteront lettre morte.

L’État économisera entre 15 et 18 milliards d'euros, notamment en raison du non-ajustement des crédits à l’inflation. Cette situation pourrait toutefois exacerber des tensions sociales, en particulier dans les secteurs sensibles comme la santé et l’éducation. Les syndicats ont déjà réagi vivement. Selon la CGT, « cette situation précipite le pays dans une austérité déguisée, au détriment des plus fragiles. » Les retraités, eux, peuvent se réjouir : une censure leur est nettement plus favorable que le budget proposé par Michel Barnier, et qui lui a coûté sa place.

Des réformes en attentes après la censure

Plusieurs projets-clés du gouvernement Barnier sont désormais à l’arrêt. Le gel temporaire des pensions, qui devait permettre de récupérer 60 milliards d'euros, est reporté. Concernant l'assurance-chômage, bien qu’adoptée in extremis, sa réforme, qui réduit la durée d’indemnisation des seniors, suscite des critiques virulentes. Elle a été validée à la hâte avant la censure, évitant un vide juridique qui aurait suspendu les allocations pour des milliers de chômeurs. Cependant, cette réforme durcit les conditions pour les demandeurs d'emploi de plus de 53 ans, une mesure dénoncée comme « injuste » par la CFDT.

Par ailleurs, certains secteurs qui auraient bénéficié d’une augmentation de budget en 2025 pour répondre aux besoins croissants n'en verront pas la couleur. Les hôpitaux ne recevront pas les 5 % supplémentaires initialement prévus pour moderniser les infrastructures et embaucher du personnel. Le financement des écoles, collèges et lycées, notamment pour le recrutement d’enseignants, reste gelé, malgré une inflation pesant sur les budgets locaux.

Alors que la transition écologique devait percevoir 2 milliards d’euros supplémentaires alloués aux projets de décarbonation, ces crédits sont également suspendus. Ces secteurs devront fonctionner avec des moyens équivalents à ceux de 2024, alors que leurs besoins augmentent. Selon un rapport de l’Observatoire des Politiques Publiques, « cette situation risque d’amplifier les inégalités régionales et de ralentir les réformes structurelles. »

Dernière difficulté : l’instabilité politique engendrée par la censure pèse lourdement sur la confiance des marchés. Déjà, les taux d’intérêt auxquels la France emprunte ont augmenté, compliquant le financement de la dette publique. Les entreprises, quant à elles, hésitent à investir dans un climat jugé « paralysant », selon une enquête de l’Institut des Finances Publiques.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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