Le gouvernement Pompidou renversé : retour sur l’unique censure de la Ve République

En octobre 1962, un événement inédit marque l’histoire de la Ve République : le gouvernement de Georges Pompidou est renversé par une motion de censure votée par l’Assemblée nationale. Plus de six décennies plus tard, cet épisode continue de résonner comme un moment clé des relations entre l’exécutif et le législatif dans le régime françai

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Par Nicolas Egon Modifié le 3 décembre 2024 à 19h59
Le gouvernement Pompidou renversé : retour sur l’unique censure de la Ve République

Une réforme constitutionnelle en toile de fond

L’année 1962 est marquée par une initiative politique audacieuse de Charles de Gaulle. Le président de la République propose une réforme majeure : instaurer l’élection du président au suffrage universel direct, remplaçant le système de grands électeurs. Ce projet, annoncé le 20 septembre, suscite de vives tensions au sein des chambres parlementaires.

Plutôt que de passer par le processus classique de révision constitutionnelle prévu par l’article 89, impliquant un vote des deux chambres, Charles de Gaulle choisit la voie du référendum, perçue comme un contournement du Parlement. Ce choix exacerbe les critiques de l’opposition, regroupant une coalition hétéroclite de députés de gauche, de centristes et de membres de la droite modérée. Leur colère se cristallise rapidement autour d’une motion de censure déposée contre le gouvernement Pompidou.

Une motion qui marque l’histoire

Le 5 octobre 1962, la motion de censure est adoptée par 280 voix pour sur les 480 suffrages exprimés. Georges Pompidou devient ainsi le premier et le seul Premier ministre à être renversé par ce mécanisme depuis la naissance de la Ve République. Mais, dans les faits, ce coup porté au gouvernement se transforme en une victoire stratégique pour Charles de Gaulle.

Dans un geste spectaculaire, le chef de l’État dissout l’Assemblée nationale, convoque des élections législatives anticipées et obtient un triomphe électoral pour son camp. Les gaullistes, seuls à ne pas avoir soutenu la motion de censure, remportent plus de 40 % des voix lors des élections du 25 novembre. Simultanément, le référendum sur le suffrage universel direct est approuvé à 62,2 %, consacrant l’autorité présidentielle et renforçant la légitimité de Charles de Gaulle.

Une crise parlementaire contrôlée

La réaction de Charles de Gaulle face à cette crise illustre l’autorité qu’il exerce sur les institutions. Bien que Georges Pompidou ait présenté sa démission après l’adoption de la motion, le président choisit de le maintenir en poste après les élections. Pompidou, dont la défaite aurait pu marquer la fin de sa carrière politique, reste Premier ministre jusqu’en 1968, confirmant son rôle central dans la consolidation du régime gaulliste.

Cet épisode met en lumière la vulnérabilité du Parlement face à un exécutif puissant sous la Ve République. Si la motion de censure est conçue comme un contre-pouvoir, son efficacité reste limitée dans un système où le président dispose de mécanismes comme la dissolution de l’Assemblée pour rétablir son autorité.

Des échos contemporains

Alors que l’Assemblée nationale se prépare à débattre d’une motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier, la mémoire de 1962 plane sur les bancs du Palais Bourbon. Si la censure devait passer, Barnier deviendrait le premier chef de gouvernement à tomber depuis Pompidou. Pourtant, le contexte est différent. Là où 1962 portait sur une réforme institutionnelle majeure, les tensions actuelles s’articulent autour de désaccords budgétaires, notamment sur le financement de la Sécurité sociale.

Cependant, les similitudes sont frappantes. Dans les deux cas, l’exécutif fait face à une opposition fragmentée mais capable de s’unir pour défier le gouvernement en place. Si l’histoire ne se répète jamais à l’identique, elle offre des enseignements sur les équilibres précaires entre l’exécutif et le législatif dans la République française.

La motion de censure de 1962 montre que, même dans des situations de crise, un exécutif fort peut transformer une défaite en opportunité. Charles de Gaulle a su utiliser les outils institutionnels pour asseoir sa domination politique, transformant ce qui aurait pu être un revers en un renforcement de son pouvoir. Pour les gouvernements actuels, cet épisode reste un rappel que les crises parlementaires, aussi graves soient-elles, peuvent être maîtrisées par une stratégie politique habile.

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