Et si les chaînes d’info en continu s’emmêlaient un peu trop dans les urnes ? Dans le Delaware, la justice a confirmé que la chaîne Newsmax a diffamé Dominion Voting Systems au cours de l’élection présidentielle américaine de 2020.
Newsmax reconnu coupable de diffamation contre Dominion : la justice bataille contre Donald Trump

Le 9 avril 2025, un juge du Delaware a statué que la chaîne câblée Newsmax a bien diffamé Dominion Voting Systems, en relayant de fausses accusations de trucage lors de l’élection présidentielle américaine de 2020. Cette décision marque une étape judiciaire cruciale dans l’un des procès les plus symboliques de l’ère post-Trump.
Le cœur du jugement : Newsmax, Dominion et le poison de la désinformation
En pleine guerre médiatique sur l’élection de 2020, Newsmax, chaîne conservatrice farouchement alignée sur l’ex-président Donald Trump, a diffusé à plusieurs reprises l’idée que Dominion Voting Systems avait manipulé les résultats pour favoriser Joe Biden. Ces propos, relayés par des présentateurs et des invités, affirmaient une implication de Dominion dans des fraudes massives, en lien avec des figures démocrates et même le Venezuela d’Hugo Chávez. Une théorie aussi fantasque que juridiquement dangereuse.
Le juge Eric Davis, de la Cour supérieure du Delaware, n’a pas mâché ses mots. Dans sa décision, il a conclu que « toutes les allégations portées contre Dominion étaient fausses », précisant qu’elles n’étaient « pas présentées comme de simples opinions », mais comme des faits. Cette nuance est capitale : elle ôte à Newsmax la protection du Premier Amendement, souvent invoquée pour défendre la liberté d’expression dans les affaires de diffamation.
1,6 milliard en jeu : un procès à haut risque pour Newsmax
Dominion ne se contente pas de ce jugement partiel. L’entreprise réclame 1,6 milliard de dollars (environ 1,48 milliard d’euros) pour le préjudice subi. Un montant que Newsmax juge « massivement gonflé », déconnecté de toute réalité économique, mais qui pourrait s'avérer étouffant si le jury, convoqué à Wilmington le 28 avril, confirme l’existence d’une « malveillance réelle », c’est-à-dire une diffusion délibérée de mensonges.
Dominion a déjà remporté un succès similaire contre Fox News en avril 2023, obtenant un règlement historique de 787 millions de dollars. Newsmax, de son côté, a réglé à l’amiable un autre litige avec Smartmatic, une entreprise concurrente, pour 40 millions de dollars en septembre 2024. Le précédent est donc lourd de sens.
La chaîne a pourtant tenté de se prémunir en diffusant, dès décembre 2020, une séquence de « clarification » admettant ne disposer d’aucune preuve contre Dominion. Trop tard ? Pour le juge, ce geste est la preuve que Newsmax savait pertinemment que ses propos étaient mensongers.
Newsmax contre-attaque : la liberté de la presse brandie comme bouclier
La chaîne, dirigée par Chris Ruddy, un proche de Trump, nie toute responsabilité. Dans une déclaration transmise aux médias, elle affirme que Newsmax a couvert équitablement les deux bords de l'élection. A aucun moment, elle n'aurait diffamé Dominion. Selon la chaîne, cette affaire représente une menace sérieuse pour la liberté d'expression et la liberté de la presse. Elle assure qu'elle se défendra devant la justice. Autrement dit : l’affaire serait, selon elle, une atteinte directe à la liberté d’informer. Une ligne de défense similaire à celle utilisée par Fox News… avant de capituler à coups de millions.
Face à une justice de plus en plus ferme envers les dérives médiatiques post-électorales, le climat juridique devient explosif pour ces médias qui ont misé sur la radicalité pour capter l’audience. D’autant que le contexte économique de Newsmax est aussi scruté : tout juste introduite en bourse, la société a vu son action bondir, avant de subir des turbulences dès l’annonce du jugement.
Un tournant symbolique : la justice face à l’impunité médiatique
Ce jugement ne signe pas encore la condamnation définitive de Newsmax. Il fixe toutefois un précédent : mentir délibérément sur une élection n’est pas sans conséquence. Le tribunal a balayé l’argument du « journalisme d’opinion », soulignant que les faits diffusés sur Dominion relevaient de la calomnie pure.
En coulisses, la stratégie de Newsmax semble évoluer. Une transaction financière est toujours possible avant le procès. Mais une chose est sûre : les juges, désormais, ne laissent plus passer les accusations électorales gratuites. Et cette fois, l’épée de Damoclès pèse lourd.