Le géant français du nucléaire, Orano, est confronté à une situation sans précédent au Niger. Le 4 décembre 2024, l’entreprise a officiellement annoncé avoir perdu le contrôle opérationnel de sa filiale Somaïr, acteur clé dans l’exploitation des ressources en uranium du pays. Cette déclaration intervient dans un contexte géopolitique tendu, marqué par le coup d’État militaire de juillet 2023, qui a profondément modifié les rapports de force entre le Niger et ses partenaires étrangers.
Orano perd le contrôle de l’uranium au Niger : un choc géopolitique pour la France
La suspension des activités d’extraction et le blocage des exportations d’uranium imposé par la junte militaire nigérienne viennent accentuer la crise. Orano, qui dépend largement des ressources du Niger pour alimenter le secteur nucléaire français, voit sa position fragilisée, soulevant des inquiétudes majeures sur la souveraineté énergétique de la France.
Un revers stratégique dans un contexte de tensions internationales
Orano, acteur clé du secteur nucléaire français, tire historiquement une part significative de son approvisionnement en uranium du Niger. Ce pays d’Afrique de l’Ouest représente près de 20 % des importations d’uranium françaises, soit environ 7 000 tonnes par an. Ce minerai est essentiel à l’alimentation des centrales nucléaires, au cœur de la stratégie énergétique française.
Mais depuis le coup d’État de juillet 2023, qui a porté une junte militaire au pouvoir à Niamey, les relations entre la France et le Niger se sont considérablement détériorées. En juin dernier, les autorités nigériennes ont retiré à Orano sa licence d’exploitation sur le site stratégique d’Imouraren, l’un des plus vastes gisements au monde, avec 200 000 tonnes de réserves estimées. Cet événement a marqué le début d’un conflit ouvert sur le contrôle des ressources du pays.
Un contrôle confisqué par la junte nigérienne
Somaïr, la Société des mines de l’Aïr, est au cœur de ce bras de fer. Bien qu’Orano détienne 63,4 % du capital de cette entreprise, contre 36,6 % pour l’État nigérien, la junte semble désormais en avoir pris les commandes. Le groupe français dénonce des « ingérences répétées » empêchant l’application des décisions prises lors des conseils d’administration.
Dans un communiqué officiel, Orano déplore que les représentants nigériens aient imposé un blocage sur l’exportation de la production, paralysant ainsi les activités de Somaïr. « Depuis plusieurs mois, les décisions stratégiques ne sont plus appliquées, et la gestion financière de l’entreprise se dégrade rapidement », précise l’entreprise. Malgré une suspension officielle des opérations depuis fin octobre, la situation s’aggrave en raison de dépenses de production continues, qui mettent en péril la viabilité financière de la filiale.
Les répercussions sociales et économiques locales
La crise qui frappe Somaïr n’est pas sans conséquences pour les populations locales. Les employés de l’entreprise, ainsi que les communautés vivant autour des sites miniers, se retrouvent directement impactés. Orano exprime ses « vifs regrets face à une situation qui affecte durement les salariés et leurs familles ». Cette impasse économique s’ajoute aux tensions géopolitiques et alimente une dynamique de défiance envers les anciens partenaires occidentaux du Niger.
Au-delà des enjeux économiques, cette crise illustre un repositionnement stratégique du Niger sur la scène internationale. La junte, dans une volonté affichée de rompre avec ses alliances traditionnelles, tend la main à d’autres puissances, notamment la Russie. Ce réalignement géopolitique pourrait fragiliser davantage la position de la France dans la région du Sahel, déjà mise à mal par le retrait de ses troupes militaires plus tôt cette année.
Un avenir incertain pour Orano et la France
Orano, confronté à une situation qu’il qualifie de « critique », a annoncé son intention de défendre ses intérêts devant les instances internationales compétentes. Mais cette confrontation met en lumière une question plus large : la dépendance française aux ressources provenant de pays politiquement instables.
Cette crise pousse également à reconsidérer les choix stratégiques du secteur nucléaire français. L’uranium nigérien, jusqu’ici pilier de l’approvisionnement national, pourrait céder la place à d’autres sources, mais à un coût probablement plus élevé. Ce bouleversement risque de raviver les débats autour de la souveraineté énergétique et des politiques d’exploitation des ressources en Afrique.