À l’issue de trois années de tractations laborieuses, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a arraché, le 16 avril, un consensus sur un texte fondateur destiné à encadrer la lutte mondiale contre les pandémies. À la veille de l’Assemblée mondiale de la santé de mai, ce texte marque un tournant potentiel dans la gouvernance sanitaire internationale, dans un climat encore lesté par les cicatrices de la crise du Covid-19.
Pandémies : l’OMS signe un accord mondial, les États-Unis absents

Un accord sur les pandémies signé dans la douleur, salué dans l’urgence
« Ce soir marque une étape importante dans notre voyage commun vers un monde plus sûr », a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, au petit matin, après une nuit de négociations exténuantes à Genève et dans des propos rapportés par Franceinfo. Les pays membres de l'OMS, à l'exception notable des États-Unis, ont finalement validé ce compromis majeur. L’abstention américaine, conséquence directe du retrait unilatéral décidé par l’administration Trump, fait planer une ombre politique sur l’enthousiasme diplomatique.
Mais pour Tedros, le message est clair : « Vous avez écrit l’histoire ». Ce texte dit « générationnel » a pour ambition de combler les failles béantes révélées par le Covid-19, qui, en cinq ans, a décimé des millions de vies et renversé des économies entières. « Le virus est le pire ennemi, il pourrait être pire qu’une guerre », a prévenu Tedros dans un ton grave et sans détour dans Le Monde.
Transferts de technologies : le point de rupture, devenu point d’accord
Le consensus semblait longtemps inaccessible. En cause : le sempiternel clivage Nord-Sud sur le transfert des technologies médicales. Loin d’un altruisme naïf, les pays à faible revenu exigeaient un mécanisme contraignant. Face à eux, les puissances pharmaceutiques campaient sur une position de souveraineté industrielle. Finalement, la formule magique est apparue sous la forme d’un « transfert de technologies convenu d’un commun accord ».
Un compromis mou ? Peut-être. Mais une avancée politique dans un univers diplomatique miné par l’hostilité économique. L’une des pièces centrales de l’accord reste la mise en place d’un « système d’accès aux agents pathogènes et de partage des avantages », désigné sous l’acronyme PABS. Il s’agit ici d’un véritable pivot, assurer que les fruits scientifiques issus de l’analyse d’un virus, vaccins, traitements, tests, soient accessibles à tous, sans que les pays les plus pauvres soient une fois encore relégués en bout de chaîne.
Un réseau logistique mondial contre les pandémies, ou un vœu pieux ?
Le texte prévoit aussi la création d’un réseau mondial de chaîne d’approvisionnement et de logistique sanitaire, destiné à fluidifier la circulation des produits de santé en période de crise. L’ambition est claire, plus jamais de guerre des masques, plus jamais de vaccins accaparés par les pays les plus riches.
Mais qui paiera ? L’accord reste volontaire, non contraignant sur les financements. L’aide publique internationale est en chute libre, fragilisée notamment par le repli américain. Le spectre d’un accord creux, sans mécanismes de mise en œuvre, plane déjà sur cette architecture fragile.
Une victoire pour le multilatéralisme ou un baroud d’honneur ?
Alors que le multilatéralisme est plus que jamais sur la sellette, l’accord signé le 16 avril pourrait apparaître comme un baroud d’honneur. « À une époque où le multilatéralisme est menacé, les États membres de l’OMS se sont unis pour dire que nous vaincrons la prochaine menace de pandémie de la seule manière possible : en travaillant ensemble », a souligné, dans Le Monde, Helen Clark, coprésidente du groupe d’experts indépendants sur la préparation aux pandémies.
Mais les absents ont toujours tort, et surtout du poids. Les États-Unis, premiers bailleurs historiques de l’organisation, restent hors du jeu. Et sans eux, peut-on réellement parler de gouvernance mondiale ?