Découvrez le livre de Jean-Marc Borello et Jean-Guy Henckel, en librairie depuis le 5 février (Éditions du Cherche midi). Les deux auteurs, figures incontournables de l'entrepreneuriat social, y partagent leur vision d'un autre monde, plus solidaire.
Le message principal que je pourrai transmettre repose sur une réflexion inspirée de mon itinéraire personnel, des Jardins de Cocagne et de la société. C’est à partir de ces trois points que j’entends contribuer à ce manifeste. L’entrepreneur social doit prendre conscience de l’état du monde dans lequel nous sommes plongés, individuellement et collectivement. La conjugaison des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui est un moment inédit de l’histoire de l’humanité.
Les crises économiques génératrices de pauvreté ont déjà existé, mais jamais à un rythme aussi effréné. Les gigantesques flux d’argent générés par la financiarisation de l’économie ne vont pas dans le sens de l’intérêt général, mais dans celui des paradis fiscaux. De plus, cette économie fonctionne comme une centrifugeuse dans la mesure où chaque création de richesse dans un endroit donné du globe produit presque automatiquement, sur place ou ailleurs, des laissés pour compte.
Il en va de même pour les crises écologiques, qui nous tombent dessus les unes après les autres, crises qu’il va falloir régler à l’échelle de la planète, car les populations de toutes les nations sont concernées. Nos systèmes socio- économiques, basés sur des dépenses énergétiques exorbitantes, entraîneront dans une vingtaine d’années l’épuisement de certaines ressources, comme le pétrole. Cela aura un fort impact sur nos modes de vie, nos habitudes quotidiennes. Je n’oublie pas également les problèmes démographiques : 9 milliards de personnes sur terre en 2050...
Toutes ces crises s’entrecroisent, car elles ne sont pas déconnectées les unes des autres. Au contraire, elles enflent ensemble et s’alimentent mutuellement. Le message que je souhaite adresser aux pouvoirs publics, aux citoyens et aux entreprises est celui-ci : "Vous ne pourrez pas régler ces problèmes tout seuls, en agissant séparément. Alors allions-nous !" C’est la grande leçon que je tire de mes expériences, et elle est au coeur, me semble-t-il, de la dynamique dont nous avons besoin pour aller vers un monde meilleur. Quelle est cette leçon ? La mise en commun, la synergie, l’action mutualisée.
Je développerai longuement ce que cela signifie et implique. Mais disons dès maintenant que je trouve désolant que quelques associations qui oeuvrent dans le domaine social et sanitaire refusent d’entendre parler d’entreprises et de société civile. Leur argument est simple ; pour elles, le seul partenaire possible et légitime, ce sont les pouvoirs publics. Par ailleurs, je trouve contre-productif le fait que certaines organisations défendent une vision très anglosaxonne de l’action sociale. À leurs yeux, c’est au secteur privé qu’il revient de régler les problèmes, sans aucune participation des pouvoirs publics et des citoyens.