Pédocriminalité : Europol fracasse une plateforme de l’horreur

Une plateforme de pédocriminalité invisible au commun des mortels, mais qui a attiré près de deux millions de prédateurs. Le plus révoltant ? Elle était active sous nos yeux depuis trois ans. Le pire ? Elle n’est peut-être pas la seule.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 4 avril 2025 à 16h09
Pédocriminalité
Pédocriminalité : Europol fracasse une plateforme de l’horreur - © PolitiqueMatin

Le 2 avril 2025, les autorités européennes ont annoncé le démantèlement d’un des plus vastes réseaux de pédocriminalité de ces dernières décennies, baptisé KidFlix. Cette plateforme abjecte, hébergée dans les tréfonds du darknet, comptabilisait 1,8 million d’utilisateurs à travers le monde. Créée en 2021, elle diffusait près de 91 000 vidéos d’abus sexuels sur mineurs, soit l’équivalent de plus de 6 200 heures de violence filmée, vendue en cryptomonnaie.

Pédocriminalité : un démantèlement à l’échelle planétaire piloté par Europol

Il aura fallu trois ans d’enquête méticuleuse et une coopération policière internationale sans précédent pour désarticuler KidFlix. Europol, l’agence européenne de coordination policière, a piloté l’opération Stream impliquant jusqu’à 38 pays — de l’Allemagne aux États-Unis, en passant par la Colombie, la Nouvelle-Zélande et l’Australie.

Entre les 10 et 23 mars 2025, 79 arrestations ont été effectuées. Plus de 3 000 appareils électroniques ont été saisis. L’opération a permis de mettre 39 enfants à l’abri, arrachés à leurs bourreaux, souvent membres de leur propre cercle familial. Selon le procureur Thomas Goger, malgré cette avancée, « il n’a pas encore été possible d’identifier l’exploitant de ce site ». Autrement dit, la victoire est partielle, car les têtes du réseau restent dans l’ombre.

Pédocriminalité : un marché structuré, numérique et lucratif

Comment fonctionne un tel réseau ? KidFlix n’était pas un simple forum d’échange. Il permettait la diffusion en direct d’abus sexuels, le stockage de vidéos, la mise en contact entre agresseurs, et même la “préparation” des victimes. Europol n’hésite pas à qualifier cette plateforme d’outil de “production” et de “marchandisation” de la violence sexuelle.

Le financement s’effectuait via cryptomonnaie. C’est justement la traçabilité des paiements numériques qui a permis aux enquêteurs de remonter jusqu’aux utilisateurs actifs. La plateforme publiait en moyenne 3,5 nouvelles vidéos toutes les heures, la plupart encore inconnues des autorités.

Un exemple atroce illustre cette mécanique : un père allemand de 36 ans proposait son propre fils “pour des jeux” sur KidFlix, tout en cherchant d'autres victimes potentielles. Son enfant a été placé sous la protection de l’aide sociale.

Europol en alerte : la pédocriminalité, fléau sans frontière

« Il y a de vraies victimes derrière ces crimes, et ces victimes sont des enfants. En tant que société, nous devons agir pour les protéger. » Cette déclaration de Catherine De Bolle dénonce la tentation de réduire ce fléau à une question “technique” : la pédocriminalité est un crime humain, systémique, ancré dans nos sociétés, qui s’est simplement trouvé un refuge plus discret et plus global dans le numérique.

Selon le rapport SOCTA 2025 sur la grande criminalité organisée, l’exploitation sexuelle des enfants est aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour la sécurité intérieure de l’Union européenne.

Pédocriminalité : l’indignation ne suffit pas face à la machine KidFlix

Les autorités sont unanimes : la majorité des criminels arrêtés étaient des récidivistes, bien connus de leurs services. L’âge des suspects oscille entre 20 et 40 ans, le plus âgé étant né en 1948. Aucun profil type, aucune barrière géographique. Seulement une perversion mondialisée, organisée, presque industrielle.

En Italie, une “encyclopédie” du prédateur intitulée “Wikipedo” a même été découverte, proposant des tutoriels pour agresseurs sexuels. Au Portugal, deux hommes ont été arrêtés en flagrant délit de maltraitance infantile. Aucun enfant portugais ne fait, pour l’heure, partie des victimes identifiées. Les recherches sont néanmoins en court pour confirmer que l'enquête n'a laissé aucune victime dans le monde atroce de la pédocriminalité.

KidFlix n’était que le symptôme : et maintenant ?

La véritable horreur est ailleurs : KidFlix n’était qu’un nom parmi d’autres, une place de marché souterraine parmi une multitude. Si ce réseau a été détruit, combien d’autres continuent à prospérer dans l’ombre, alimentés par le silence, l’inaction ou l’impunité ?

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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