Le débat sur la pornographie et la protection des mineurs ne date pas d'hier, mais connait depuis peu de nouveaux rebondissements, Macron en ayant fait l'une des priorités de son quinquennat. Ces dernières semaines, des mesures ont été annoncées, mais sont-elles suffisantes ? Le chemin d'une régulation totale des contenus semble encore long...
La fin de l'année 2017 a été marquée par les nombreuses affaires de mœurs touchant des personnalités publiques. En cause : les violences faites aux femmes. Le 25 novembre dernier, le Président Emmanuel Macron a dévoilé son grand plan d'éradication du phénomène, ayant entraîné en 2016 la mort de 123 femmes. Si "l'égalité entre les femmes et les hommes" est la"grande cause du quinquennat", un autre enjeu a été érigé en priorité : celui de la régulation des sites X. Pour le chef de l'Etat, il est temps de lutter plus efficacement contre l’accès des enfants à la pornographie sur internet, qui s'est banalisé chez les plus jeunes.
Un combat dont l’actualité vient régulièrement rappeler la nécessité. On apprenait ainsi mi-janvier que Google venait de retirer 63 applications du Google Play Store. Destinées aux enfants, ces applications étaient infectées par un logiciel malveillant, malware baptisé AdultSwine diffusant des publicités pornographiques sur les téléphones corrompus. Le logiciel aurait été téléchargé de 3 à 7 millions de fois à travers le monde, exposant accidentellement à des images X un nombre potentiellement aussi important de jeunes victimes. Une exposition précoce devenue la norme.
Le CSA sur le front
Selon une enquête réalisée par l'association Ennocence, un enfant a 11 ans (en moyenne) lorsqu'il découvre pour la première fois un site pornographique. Un autre sondage, commandé un mois plus tard par l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, confirme ce rajeunissement de la consommation : la moitié des 15-17 ans ont déjà surfé sur un site X gratuit. Ils n’étaient que 37 % en 2013.
Malgré les solutions techniques existantes - les filtres Google, les logiciels de contrôle parental ou encore les bloqueurs de publicités malveillantes -, Emmanuel Macron souhaite mener une guerre farouche contre la pornographie sur internet accessible aux enfants. "Nous devons repenser le cadre de notre régulation des contenus, en particulier les contenus audiovisuels (...) et étendre les pouvoirs de régulation du Conseil supérieur de l'audiovisuel", a déclaré le président français le 25 novembre. Il a également annoncé pour 2018 des "modifications législatives" pour"poursuivre ceux qui agissent sur Internet pour harceler".
Dorcel applaudit
Cet engagement politique marque une nouvelle étape dans ce vieux débat touchant aux dérives de la pornographie en libre accès "qui fait de la sexualité un théâtre d’humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes", et aux conséquences néfastes sur les "jeunes esprits". Si ses prédécesseurs avaient timidement alerté l'opinion publique sur les dangers du web, Emmanuel Macron est le premier à formuler des mesures qui, si elles méritent d'être encore approfondies, pointent du doigt l'ampleur du phénomène.
Dans ce combat, le président a reçu un soutien de poids en la personne de Grégory Dorcel, l'un des plus grands producteurs français de films X. Le fils du fondateur Marc Dorcel s'est félicité de "ses mesures pragmatiques et concrètes" contre "la pornographie sauvage". Selon lui, l'industrie traditionnelle du X s'est toujours engagée à protéger les mineurs d'images "déviantes" de sexe qui humilient et qui mettent même parfois en scène des mineurs.
Est-ce suffisant ?
Pour mettre fin à cette banalisation de la consommation pornographique, le chef de l'Etat va donc étendre les compétences du CSA à la régulation des contenus sur Internet et dans les jeux vidéo jugés trop violents. À quoi cela va-t-il vraiment servir ? Tout d'abord à lutter contre l'image de la femme véhiculée par certains films. Y-a-t-il un lien de causalité entre "porno sauvage"et "violences faites aux femmes" ? Si les psychologues et autres sociologues sont partagés sur cette question, force est de constater que, dans beaucoup de films X, les femmes se retrouvent souvent en position de soumission.
Ces mesures doivent également servir à mieux protéger les jeunes adolescents. Car le porno a des incidences sur la "vraie" vie et notamment pour les jeunes filles qui, confrontées de manière précoce à des films X, perdent confiance en elles en tentant de se conformer aux critères corporels du genre (épilation intégrale, opération des lèvres...). Les jeunes garçons rencontrent également parfois de réels complexes d'infériorité.
Néanmoins, pour l'association Ennocence - qui s’est fixée comme mission de protéger les enfants contre les risques d’exposition à la pornographie en ligne -, ces annonces ne suffisent paspour lutter efficacement contre les contenus illégaux. Selon elle, "les plateformes de streaming illégal de contenu non pornographique, qui est la première porte d'entrée des enfants à la pornographie, sont totalement oubliées du débat." L'association demande également "une réforme du droit" qui permette à la justice de fermer "les plateformes pornographiques et non pornographiques" sur lesquelles apparaissent des publicités X, qui exposent accidentellement les mineurs à des images qu’ils ne devraient pas voir.